Né à Marseille, Frédéric Nevchehirlian est poète et musicien. Son travail l’a amené à croiser la route d’artistes aussi différents que Saul Williams, Serge Teyssot-Gay (Noir Désir), Sanséverino, Marcel Kanche, Akosh S, … Avec son nouveau projet artistique « Monde nouveau, monde ancien », Frédéric Nevchehirlian nous invite à découvrir un slam rock et psychédélique.
Désinvolt vous propose une rencontre et discussion musicale avec Fred Nevchehirlian.
Bonjour Fred
Vous êtes poète et musicien, j’ai aimé vos mots avec Vibrion et aujourd’hui on vous retrouve avec un nouveau groupe qui porte votre nom: Nevchehirlian
Du slam au rock, comment est venu cette idée de faire un disque solo, de réunir tous tes amis musiciens, en fait on pourrait même dire que tu as fait une compilation qui réunit tous ces gens qui ont marqué ta vie ?
Cela me fait plaisir que tu me parles de Vibrion, ce groupe a décidément marqué les esprit !
Mon projet solo est parti de l’idée d’enregistrer avec les gens que j’avais croisé ces 2 ou 3 dernières années, je n’avais pas comme idée de départ de faire un album avec un groupe puis une tournée etc.., je souhaitais juste enregistrer ces titres qu’on avait pu fabriquer ensemble. Tout a été chamboulé quand j’ai rencontré Tatiana Mladenovitch et Christophe Rodomisto, ils sont venus au studio pour faire un peu comme les autres, jouer sur un titre, puis ça été tellement bien qu’on en a fait plusieurs dans la journée et tout s’est précipité… le groupe était là, j’ai ensuite demandé à Stéphane Paulin de tenir la basse et Julien Lefèvre de jouer le violoncelle car tous deux avaient participé aux prémices de ce projet (ils sont dans Vibrion), et Stéphane a fait les prises de son de quasiment tout l’album. Cela a été naturel.
On retrouve sur ton album « Monde nouveau monde ancien » Serge Teyssot qui est devenu un précieux partenaire à tous les slammeurs. Vous vous connaissez depuis longtemps ?
On s’est rencontré sur un festival marseillais, je lui avais proposé de venir jouer « on croit qu’on en est sorti » son projet sur Hyvernaud, puis nous nous sommes retrouvé à Royaumont pour le projet « Slam et souffle » dont la fondation m’avait confié la direction artistique, cela a été une belle aventure. Sergio avait fait une très belle guitare sur « la mer », voilà c’est sur le disque, ça fait plaisir.
En écoutant cet album, une première impression : On a plus affaire à des chansons qu’à du texte. Je veux dire que c’est musical.
Tant mieux !
Ce qui saute aux yeux dès les premières écoutes c’est la qualité de vos textes mais aussi les compositions, elles sont d’excellente facture et surtout, judicieusement variées. Fred, es-tu quelqu’un de perfectionniste ?
Difficile à dire, j’ai laisser les choses se faire sur ce disque, j’avais envie que cela me dépasse un peu, on a enregistrer des morceaux en live sans répétition, j’ai confié le mix à Jean Lamoot et Lionel Darenne sans intervenir. Il y a de la diversité mais c’est un choix, cela représente aussi ce que je suis.
On est fasciné avec ce rythme assez envoûtant et captivant. Peux-tu m’en dire plus sur les compositions de cet album. Qui a composé et arrangé quoi ?
Ah oui, le rythme est vraiment inspiré des tournes de blues africains, j’ai été à Kinshasa et certain des titres viennent de ce voyage, d’autres plus anciens sont aussi dans cet esprit, entre rock et blues africains à ma façon.
J’ai composé la quasi totalité des titres sauf « La mer » c’est Sergio, « L’homme troué » c’est Marcel Kanche, et le texte de « Tout » c’est Ronan Cheneau. En revanche, on doit l’essentiel des arrangements à Christophe Rodomisto et Tatiana Mladenovitch, tout deux ont interprété les titres de façon incroyable, Tatiana est notamment l’arrangeur de la section orchestrale de « Où vont-elles ? ». Le son du disque doit beaucoup aussi aux prises de sons de Stéphane Paulin, il a fait un travail remarquable, il m’accompagne dans mes projets depuis tant de temps. Cette période d’enregistrement était un peu comme un cadeau qui nous était fait pour voir aboutir des choses que nous avons amorcé ensemble avec Vibrion et Jours (le groupe de Clara Le Picard).
Et si on parle un peu de cet album qui est dans les bacs depuis le 18 Mai. Au fur et à mesure, on se retrouve emporté, ici ou ailleurs, de votre ville Marseille au fin fond de l’Amérique latine. Le voyage, les récits, la nostalgie, … Ce sont des thèmes que tu aimes bien aborder?
Disons qu’il y a un thème qui ne cesse de revenir c’est la question de l’origine, de l’identité. Et un autre celui de la mémoire, du souvenir. Je suis d’origine espagnole et arménienne, je vis à Marseille, je suis français, cela fait beaucoup de choses à comprendre, pour savoir de quoi je suis foutu. Les voyages m’ont permis de préciser les questions, cela reste encore des questions. Ceci dit, la nostalgie, je ne crois pas, il n’y a pas de nostalgie dans ce que j’essaie de faire, au contraire, je regarde devant moi, c’est tendu vers le futur (c’est l’absent du titre, l’avenir, le monde à venir). Les lieux ont été important, les villes, les pièces, j’ai essayé de me laisser traverser par les choses et rendre cela dans ce disque. Certains disent que c’est riche, difficile à digérer. Tant mieux. C’est un peu l’os qui reste, tu ne sais pas quoi en faire et c’est tant mieux.
A l’écoute de la chanson «Dans le stade », j’ai aussitôt pensé à « Nous n’avons fait que fuir » de Noir Désir. Y a un vrai coup de cœur pour cette chanson engagée, par contre le message n’est pas très claire. Pouvons-nous dire que le message de cette chanson va au delà des mots ?
« Dans le stade » a été écrit pendant le voyage que j’ai fait à Kinshasa, c’est un flot qui m’a submergé, tout s’est télescopé, l’idée du stade, sa symbolique à travers les époques, lieux de vie, de mort, de spectacle, d’argent, de pauvreté, de refuge, d’ascension sociale, d’effondrement, d’amour, de haine, de violence ou encore de racisme. Le message est très clair. A toi de voir.
C’est quoi pour toi une chanson « engagée » ?
Redonnons de la valeur à ce mot, j’ose à peine le prononcer, j’ai peur de l’abîmer.
Disons que la poésie est engagement, choisir de faire ça en ce moment, et ne pas renoncer à l’écriture, la poésie, la musique, est un acte d’engagement, cela me semble important, dérisoire, nécessaire et inutile. Tout ce qu’on veut nous enlever.
Autre morceau phare, « Tout ». Chanson fascinante à te couper le souffle et très beau texte écrit par Ronan Chénau. Peux-tu nous en dire d’avantage sur la chanson et son auteur.
Nous nous sommes rendu compte avec Ronan que nous avions écrit des phrases quasiment similaires dans nos poèmes, je lui ai demandé d’écrire un texte, je lui ai confié une boucle de guitare, il a écrit à partir de là. Le résultat est troublant, j’ai l’impression d’avoir écrit ce truc, et en même temps cela procède d’une étrangeté qui me permet d’en faire quelque chose de singulier pour moi.
« L’univers parmi nous », une guitare hypnotique, des sonorités qui nous transportent en terre africaine ou ailleurs qu’ici. Qu’est ce qui t’a inspiré pour écrire cette chanson ?
C’est le pendant démagogique de « Dans le stade »… je l’ai écrit juste avant « le stade » à Kinshasa, en même temps ce texte évoque d’une certaine façon des souvenirs que je n’ai jamais eu de ce qu’il s’est passé au début du siècle pour ma famille arménienne. C’est une façon d’en parler. Et de lui donner un cadre universel. Des génocides il y en a eu plusieurs au siècle dernier. Finalement l’horreur est assez commune.
Maintenant qu’on a fait un peu le tour des chansons, je viens à la question ‘bateau’ : Pourquoi ce titre « Monde nouveau, Monde ancien » ?
à chacun son interprétation, je ne sais pas vraiment, mon explication ne vaut pas grand chose.
Sinon comment se passe cette tournée ?
Très bien, on reprend en octobre avec les Primeurs de Massy. Il y a un effet de surprise qui joue à fond, les gens sont ravis et disent « mais on ne s’attendait pas à ça!! », du coup le bouche à oreille fonctionne… peut-être est-ce le nom du groupe qui effraie !!
Aujourd’hui, quand on parle de slam, seul ou presque deux noms résonnent « Abd Al Malik » et « Grand Corps Malade ». Les porte paroles du slam on ose nous dire mais sont un peu surestimés à mon goût.
Tu penses quoi justement de cette scène slam ?
Rien. Chacun prend la parole, chacun y fait sa place. C’est le principe.
Malgré la vidéo posté qui explique comment prononcer votre nom, j’ai toujours du mal (bouh la honte !). Mais y a-t-il vraiment des gens capables de le prononcer ?
De plus en plus, c’est assez incroyable, une sorte de revanche !
Vous êtes signés chez Underdog Records, un label indépendant qui aime défendre toutes les musiques qui groove, tout en restant authentique.
Underdog est un label qui me va bien, c’est à ma mesure, ils ont aimé l’album et eu envie de le défendre. Voilà. On avait autoproduit le disque, ils sont intervenu pour une sorte de licence, cela nous va bien.
Merci Fred pour ce merveilleux album et d’avoir pris le temps de répondre à mes questions, je vous souhaite le meilleur pour votre tournée et longue vie à « Monde nouveau, Monde ancien » qui fera ravir plus d’un.
Un ptit mot pour conclure l’interview ?
Merci pour ce temps pris pour discuter aussi !!!
3 commentaires
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Moi je l’ai déjà :] Poussin !
je viens de commander le CD 😉