Des fois, il nous suffit de fermer les yeux, d’écouter des airs enfantins (et non moins vide de tout sens), et on crée un univers particulier où des jouets et marionnettes écorchés s’animent pour devenir des musiciens, fantômes de l’enfance, de cette enfance qui nous suit, des esprits d’enfants qui naviguent en nous, ou ce miroir de nos rêves et nos angoisses.
Un clown triste joue de l’accordéon, un Pierrot tient dans sa main un micro, … Il était une fois, un voyage vers l’enfance tant recherchée, une poésie et un univers qui métisse à merveille celui de Tim Burton et le gros bordel de Kusturica.
Non, tout simplement, Syrano c’est le talent, l’inspiration, la générosité nappée d’une poésie sur fond de rap.
Bonjour Syrano
Pour commencer, je dois t’avouer que je suis extrêmement content de pouvoir t’interviewer car je vous ai découvert avec votre album Musiques de chambre en 2006 et il me tardait de faire votre connaissance.
Peux-tu te présenter et nous parler de tes musiciens qui t’accompagnent?
Et bien je suis accompagné d’un choriste et d’un guitariste qui me suivent depuis le lycée (Cherzo et M.Lambert), d’une batteuse, Réjane, d’un bassiste, Etienne, d’un accordéoniste, Patrick, et d’un violoniste. On n’oublie pas les techniciens son, La Paparoute, lumière, Clavito.
Qu’est-ce qui t’a donné envie de chanter ? Et comment a commencé cette carrière ?
Et bien sûrement des choses à exprimer, des souffrances, des tensions, mais finalement, je chante depuis que je suis petit. Ce n’est qu’en 2003, quand je me suis alloué les services de musiciens que j’ai pu faire des concerts plus réguliers.
Avant de créer Syrano, tu faisais partie d’un groupe de rap ?
J’ai pris ce pseudonyme il y a une douzaine d’années et c’est vrai que j’ai évolué dans un groupe de rap qui s’appelait Exkalibur, avec lequel j’ai fait mes premières armes sur scène en premières parties de Yuri Buenaventura, Saïan Supa Crew ou Zebda.
Est-ce que tes influences ont changé depuis ?
Non, elles n’ont pas changé. Disons que je reste quelqu’un qui écoute de tout. je suis assez friand de découvertes. J’aime autant Brel et Piaf, qu’IAM, Arcade Fire, Sufjan Stevens, Rage Against the Machine, Björk, Portishead, Pink Floyd, ou Mozart.
Une question bateau qu’on a surement dû vous poser plus d’une fois : Pourquoi Syrano comme nom de scène ? Une quelconque référence avec le personnage de Cyrano de Bergerac ?
Bien évidemment, j’ai pris le personnage de la pièce comme référence (je suis en train de me pencher sur la vie du vrai d’ailleurs). Cyrano, dans la pièce de Rostand, est un personnage très actuel selon moi, doué d’une rage, d’un panache et d’une dignité qui forcent le respect, malgré sa laideur et son côté ingrat. Se battre avec des mots, ça me parle.
Si on peut résumer, Syrano c’est le talent, l’inspiration, la générosité nappé d’une poésie sur fond de rap. Un univers d’enfant avec des chansons aux sujets durs et délicats et qui nous parlent et nous touchent. Bien comme résumé ?
Ma foi, c’est un résumé bien touchant.
Si je pouvais un peu revenir sur le premier album avant de parler de Gout du Sans.
Les chansons Planter des cailloux et Dans ma bulle abordent un thème qui nous est si cher ‘la liberté’. On te retrouve tel un La Fontaine à nous raconter une fable puis ça finit avec une moralité.
Ne penses-tu pas que la liberté de l’homme, c’est son innocence ?
Son innocence et sa conscience. On se dit souvent que l’innocence est une liberté mais elle peut vite nous rendre naïf et la conscience, la culture, l’éducation, permet d’échapper à certains carcans, c’est ce qui fait qu’on ne vit pas sa vie entière dans la même ville sans se dire qu’il doit y avoir des choses géniales ailleurs.
A l’époque, la chanson Ficelle, a été un coup de cœur pour moi mais aussi pour plusieurs personnes. On a pu voir les paroles repris sur certains sites qui traitent de l’anorexie. Peux- tu nous parler un peu de la façon dont est née Ficelle ? J’ai cru entendre que t’as eu pas mal de retours aussi …
Ficelle est simplement une jeune fille que j’ai rencontré et à qui j’aurais eu envie de dire ces mots « bouffe la vie ». Je ne voulais pas traiter ce sujet comme un truc pathos, mais comme un appel à l’espoir. C’est une maladie terrible créée de toute pièce par l’époque dans laquelle nous vivons. Et en effet, c’est hallucinant le nombre de mails que j’ai reçu de filles atteintes qui me disaient juste avoir été touchées ou bien carrément aidées par la chanson. C’est une vraie récompense quand ce genre de choses arrive.
Pour ne pas reprendre toutes les chansons de cet album, pour résumer, avec Musiques de chambre, tu parlais à travers les yeux d’un enfant. Pourquoi ce thème de l’enfance ? Syrano un Peter Pan qui n’a jamais voulu grandir ?
Je crois que je ne suis pas devenu adulte. Mon vécu m’a un peu privé d’une part de cette innocence dont on parlait, comme beaucoup de gens, et j’ai plus l’impression à trente ans d’être une seconde un enfant, une seconde un vieil homme… Finalement il suffit de faire l’équilibre. Mais il est vrai que j’aime beaucoup les enfants et le monde de l’enfance, car c’est un vrai monde. Je cherche certainement à rattraper le temps.
Et puis avec Musiques de chambre, je me demandais comment tu allais faire pour nous sortir un second album en ayant placé la barre si haute avec le premier, et pourtant, Le gout du sans est une merveille. Les textes des chansons sont un élément majeur dans cet album. Ils sont très travaillés et remplis d’humanité.
Le Gout du sans, le manque et le sang … Qu’as-tu voulu passer en donnant à ton album comme titre ce jeu de mots ?
J’ai grandi donc avec ces manques, mais avec un petit truc en plus aussi. Une malformation cardiaque appelée Bouveret. C’est devenu facilement opérable, mais touchant un organe vital, ça fait flipper comme on dit. Alors j’ai simplement expulsé mes craintes et mes interrogations en en parlant dans cet album. Du coup, être confronté aux opérations, à ma trentaine arrivant à grand pas, c’est une période aussi de bilan. C’est donc un album plus mature à mon sens.
Mourad de la Rue Kétanou, François Hadji-Lazaro, Imbert Imbert, Frédo des Ogres de Barback, Batlik et MeLL, ainsi que les musiciens de Debout sur le Zinc. Tant d’artistes réunis pour la chanson « Bleus ».
Comment se sont faites ces rencontres et pourquoi les avoir tous réunis sur une seule chanson plutôt que de faire plusieurs duos ?
J’aurais du faire un album de duos alors tellement il y a de monde héhé. Non mais ce sont des gens rencontrés sur la route simplement. Des gens que je respecte pour leur travail et qui m’ont filé un coup de main, un moment ou un sourire bienvenu. Je parle des élections présidentielles dans cette chanson en m’interrogeant sur le fait que tant de gens ont voté pour « l’autre » mais qui sont ces gens? Pourquoi? Comment on fait pour se faire avoir par cette droite décomplexée, bling bling, qui est fausse et incompétente, puisque centrée sur le paraître? Ces phrases choc, c’est de l’endormissement… Et je me posais des questions, je me sentais seul aussi. Alors voilà, le texte est né et ‘ai eu envie de le partager avec des punks!!!
La grande roue Ludo. Fais la roue comme avant.
La mort elle s’est trompée, ce n’était pas pour maintenant
Alors fais les danser, les filles et tes vingt ans.
On ne peut refuser à quelqu’un d’aussi grand.
Fais donc la roue Ludo, fais la roue comme un paon.
C’est ça, viens leur montrer ton auguste séant.
Et si la vie meurtrit en rendant différent,
La vie elle t’a appris à quel point t’es vivant.
Peux-tu nous parler un peu de Ludo à qui tu dédies cette chanson ?
Ludo est un jeune homme en fauteuil que j’ai rencontré sur un atelier d’écriture à Rennes et avec qui j’ai fini par discuter des heures de son accident et de sa vision de la vie. On apprend des gens, c’est fou!
Avec L’ours en peluche, on reste encore dans l’enfance mais avec un sujet très dur : La pédophilie. La chanson est vraiment troublante à certains moments, on se sent très mal à l’aise, la gorge nouée.
Je voulais trouver un angle d’attaque pour parler de ce sujet tendancieux sans y aller directement et le coup du tiers présent qui subit un peu le tout, je trouvais ça intéressant. D’autant plus que c’est un symbole de cette enfance bafouée de nouveau.
Plus qu’une main avec sa rage et sa violence peut nous laisser au peu perplexe mais au fond c’est un bel hommage pour celles à qui cette chanson est destinée.
Je parle de mes 5 petites sœurs. De notre passé. De nos vies. Et de nos futurs. J’avais juste envie de leur dire que je les aime et que ce qu’on a vécu n’est pas grave tant qu’elles sont là. C’est empreint des années 80 et de la musique classique, des choses qui ont été un peu la bande originale de notre enfance.
J’aimerais qu’avant qu’on finisse de parler de votre nouvel album, qu’on se penche un peu sur la chanson Garçon de Joie. Une des chansons qui demande un peu d’explication.
Vous avez cette impression qu’en vous dévoilant dans vos chansons, vous vendez une part de vous-même ?
Disons qu’en tant qu’artiste, il faut arrêter de se branler l’égo en croyant que ce qu’on fait est indispensable. Je rencontre trop de chanteurs qui sont vraiment imbus et qui pensent être d’une race supérieure. Nous sommes des prostitués et voilà! On vend forcément une part de nous-même puisqu’on mets de nos sentiments et de nos émotions dans nos chansons… Alors vendre des concerts, des disques, c’est vendre des parts de soi.
Que veux-tu dire alors par « Je fais le tapin en travestissant ma foi » ?
Et bien c’est ça. Je vis de ma musique. Je suis un privilégié, je ne suis pas à l’usine, ça c’est une vraie activité difficile. Moi je me couche à des heures indécentes et je me lève quand je veux pour bosser. Je fais le tapin parce qu’il y a un décalage entre les idées qu’on peut avoir et le commerce qu’on en fait. Si je pouvais je donnerais mes chansons. Mais faut bien que je paie mon loyer, alors entrez dans la ronde!
Tu mets en libre écoute sur ton site internet, tes deux albums et le téléchargement libre des paroles de ces albums.
J’aimerais connaitre l’avis de Syrano sur le partage des fichiers sur internet et aussi sur la loi Hadopi 2
On s’en fout! Continuons à télécharger. De toute façon ce ne sont pas des geeks qui ont fait ces lois, on trouvera toujours un moyen de faire circuler la création. je suis pour le téléchargement, pour que l’art soit diffusé, c’est sa première utilité, c’est son but, être vu…
Sinon, tu écoutes quoi en ce moment ? Tu as fait des découvertes ?
J’ai adoré le live de Cat Empire. ou bien Sufjan Stevens, un artiste de Chicago que j’adore!
Début Juillet, t’as remporté le prix Olivier Chappe. C’est le genre d’association qui peut te tenir à cœur ?
« Apporter un peu de cette musique vitale à ceux qui luttent encore pour rester en vie. »
Exactement. C’est la parfaite illustration de mon engagement personnel pour des causes et c’est une vraie récompense qui me tient vraiment beaucoup à cœur!
Syrano s’investit-il dans des associations ? En fait tu mets ton engagement non seulement dans tes chansons mais aussi en agissant sur le terrain ?
Je m’engage comme je le peux, je vais jouer en hôpital, en prison, je donne à des assos, je parraine deux petites en Arménie. Je trouve important de mettre en application ce qu’on raconte dans nos chansons. Je chante pour des causes quand je peux et j’essaie d’être actif.
Sinon, quels sont tes projets à venir ? Une tournée nationale ?
La tournée a débuté et ne s’arrêtera pas avant fin 2010 a priori. Je suis aussi sur un projet de livre, qui est écrit et qui cherche un éditeur, puis surtout, mon spectacle pour enfants qui tourne déjà et dont le livre-disque sort en octobre. Donc plusieurs projets de front qui me ravissent. Puis mon prochain album, les cités d’émeraude, et qui sort en 2011 parlera de ces engagements au quotidien et sera porté sur le voyage, ce sera un documentaire, un carnet de route et un disque à la fois. Je pars donc à droite à gauche dans le monde, partager et enregistrer avec des musiciens, ou des gens simplement.
Merci encore Syrano d’avoir pris le temps de nous répondre. Je vous laisse le mot de la fin pour clôturer l’interview.
« La musique c’est du bruit qui pense » Victor Hugo
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