Ironie des hasards de calendriers. Le 5 octobre vit la parution simultanée de deux disques de rock qui vont surement marquer à coup sûr l’année 2009 : « Never Cry Another Tear » des Bad Lieutenant et « A Tout Moment » d’Eiffel. Deux groupes qui réunissent des talentueux artistes ayant écrit les pages majeures du rock moderne pour l’un (et du rock français pour l’autre).
Le groupe Eiffel, réduit à sa plus simple expression -trio composé de Romain et Estelle Humeau avec le retour de Nicolas Courret, batteur initial du groupe-, nous livre son 5ème album (et 4ème album studio).
- Minouche
- A Tout Moment La Rue
- Le Cœur Australie
- Je M’obstine
- Sous Ton Aile
- Cet Instant La
- Mort J’appelle
- Nous Sommes Du Hasard
- Clash
- Ma Blonde
- Mille Voix Rauques
- Ma Nébuleuse Mélancolique
De quoi parle ce nouvel album ? De la condition humaine, dans tout ce qu’elle peut avoir de « charmant et dégueulasse », comme on peut le lire sur le site du groupe.
N’en déplaise à certains, on retrouve sur ce disque les thématiques de l’univers d’Eiffel, -celles-là même qui se sont retrouvées sur nos platines avec Abricotine et Le 1/4 d’heure des ahuris imposant Romain Humeau & co comme un groupe rageur et efficace-, c’est à dire la mort, l’amour, le malheur, l’énigme de l’après, le vide, la fraternité, la vie avec les autres, la politique, le besoin de s’évader mais aussi les moments de doute qu’Eiffel a traversé. 12 chansons intenses et rageuses, d’une beauté surprenante et bouleversante, accompagnées par la voix juvénile, douce et parfois rauque de Romain Humeau.
Minouche
Dès les premières secondes et les mots de l’étincelante « Minouche », nous retrouvons un groupe qui ouvre son quatrième album de la plus belle des manières avec un titre mélancolique et tendu, marqué de l’empreinte vocale impressionnante de Romain Humeau :
Minouche
L’âme et le dos courbés
Pavane Lachrymae
Face aux temps qui reculent
Pour mieux sauter
Minouche
Goûte à la naphtaline
Damnés, cinq années d’enfer
Et dix foutues en l’air
D’une ruine
Tout est dit!
A Tout Moment La Rue
Rappelez-vous en 2002 et ces paroles « Je ne suis pas vraiment fier, d’être de ce côté là du monde, dans le clan des spécialistes, en matière de matière, plus de choix si on t’en donnait un peu moins, plus de profit en as-tu besoin ? T’as tout, tu profites de rien ». Qu’en est il aujourd’hui ? On en était avec ces énigmes et cette identité imprécise, du noir dans les désirs et là, ça y est, 2009, Eiffel revient ! A Tout Moment La Rue et cette abondante noirceur, sans oublier la poésie qui pénètre les oreilles et pique au plus profond. Et s’il suffisait d’une phrase à dire pour déclencher l’émeute ?
« Et quand le peuple crève, à tout moment la rue peut aussi dire non »
Et ce n’est pas un hasard d’entendre nos oreilles battre et le cœur grand ouvert sur la voix d’un certain Bertrand Cantat, en s’imaginant dehors habité par ce chant.
À chacun de nos souffles
Au moindre murmure des bas fonds
C’est dans l’air comme un chant qui s’étrangle
Que d’un pavé de fortune
Contre le tintamarre du pognon
À tout moment la rue peut aussi dire non
}
Je M’obstine
C’était y a pas longtemps : à la suite d’une restructuration au sein d’EMI, Eiffel n’avait plus de maison de disques. Mais le groupe avait mieux, un public. Rappelez-vous, ils étaient une vingtaine, venus voir comment aider le groupe. Ils s’étaient donné rendez-vous à Paris, à la sortie Luxembourg du RER, dimanche 14 octobre 2007, à 15 heures. Sur leur tee-shirt : « Eiffel, Olympia, 19 novembre. » Ces fans ont décidé de prendre en main la promotion du premier concert à L’Olympia de leur groupe favori. Ils se sont obstinés…
Le chemin n’a pas été simple, ni pour le groupe ni pour eux, ces ahuris comme on aime les appeler. Fallait se relever la tête haute après la désillusion. A l’instar de ces fans, Romain s’est entêté et a composé un chef d’œuvre, en montrant à ces ingrats la force du survivant.
J’élève ma vie comme forçat
Avant que les portes ne claquent des doigts
Et beugle à tue-tête nos vaches maigres
Avant que les tables ne tournent au vinaigre
Je m’obstine
En ferrailleur des jours fériés
S’il est une chose perdue d’avance
C’est bien qu’il y’ait un après
Pourtant encore, je m’obstine
Autant le dire, je tapine
Sur les trottoirs du laborieux
Tout en bas j’ai rien trouvé de mieux
}
Sous Ton Aile
Eiffel est une musique sauvage et épurée, perfectionnée rappelant la touche anglo-saxonne.
La condition humaine, dans tout ce qu’elle peut avoir de « charmant et dégueulasse », nous la retrouvons à partir de la chanson Sous Ton Aile, cette force et profondeur que le groupe dégage :
Prends-moi sur-le-champ
Couvre moi d’étincelles
Et de ta clameur arque le ciel
Fais couler la sève nue
Des immortels
Prends moi sous ton aile
L’arase des ondes à fleur de connerie
Pour les dance-floors de la jeunesse
Comme la promesse au pays
D’un pitbull au Fouquet’s
Quand les nations immigrent à la chaîne
Cognants aux vitraux d’ADN
Un dernier vœu sur le tarmac
}
Mort J’appelle
Eiffel ou l’art de brouiller les pistes, avec la mise en musique d’un texte du poète maudit François Villon
Mort, j’appelle de ta rigueur
Qui m’a ma maîtresse ravie,
Et n’est pas encore assouvie
Si tu ne me tiens qu’en langueur
Oncques puis n’eut force vigueur
Mais que te nuisait- elle en vie ?
Mort, j’appelle de ta rigueur
Qui m’a ma maîtresse ravie.
}
Nous Sommes Du Hasard
Nous retrouvons les mille et une questions, les énigmes sur l’après le qui je suis, de l’époque «En déviances» en passant par «Qu’ai je donc à donner», Nous Sommes Du Hasard redonne en 4min09 de la hauteur à Eiffel.
Où va l’espoir
Se dissout-il dans ta vodka ?
En quelle élégie
Pour quel sondage mass-média ?
Et où vont tous les pleins pouvoirs ?
Tu dis : au même endroit
En quel rock’n’roll-critic
Pour quel milieu ultra ?
Perdus dans tes cieux
On s’accroche à rien
Les hommes au milieu
Entre hier et demain
Dieu, tu laisses à désirer
Et nous prêtes à croire
Que de la tête aux pieds
Nous sommes du hasard
}
Et que roxx Eiffel …
Clash
Et on file droit au Clash ! Tu la sens aussi cette rage ? Entends-tu ces rifts endiablés ?
J’file droit au clash
J’fonce comme ma planète
Droit dans les miroirs du non sens
J’file droit au clash
Et bringuebale dans la tête
Me cogner au silence
Clash
}
Mille Voix Rauques
Mille voix rauques, qui parait calme, dégage une intensité incroyable. Romain nous prouve une fois de plus son talent d’écrivain et de compositeur. Ami de la poésie, bonjour !
Laisse moi retourner d’où je viens
Dans les mystères de la matrice
Loin des casseurs de cycles et du bling-bling
Des osselets dans la bouche des cauchemars
Retrouver le souffle, le frisson qui m’anime
Où les prunelles de l’âme s’écarquillent
Retrouver les filles et les fils des mille voix rauques
Fils des mille voix rauques
Des mille voix rauques
Boucler la boucle et cogner aux tympans
Mille voix rauques cognent aux tympans…
}
Mille voix rauques cognent aux tympans… Et c’est surprenant comment ces mille voix rauques arrivent à nous captiver et font de ce morceau une des plus belles chansons d’Eiffel depuis leurs débuts.
Ma Nébuleuse Mélancolique
Ma nébuleuse mélancolique clôture l’album avec une rythmique captivante et absolument ensorcelante.
Ici-bas, je ne suis rien
Si l’on décachette mon enveloppe
Et au-delà, en peau de crachin
Au-delà
Mon âme est-elle, ton âme est-elle
L’une d’entre ces mille voix rauques ?
Mille voix rauques
}
Eiffel est bien vivant, plus fort que jamais nous livrant ici un album ambitieux et dégoulinant de sincérité.
5 commentaires
[…] Eiffel – À tout moment […]
Ne pas oublier l’arrivée de Nicolas Courrière (ex-guitariste des regrettés DOLLY) pour la scène. Il donne une dimension supplémentaire en live
Ha ! Un bel article ! On aime aussi Eiffel et on en a parlé sur notre blog également. L’album tient ses promesses très haut la main.
Merci pour la preview. J’attends avec impatience le résultat du tirage au sort!
Bonjour,
très bonne série d’articles et belles mises en avant !
C’est cool de voir des bons sites parler de bons groupes, pas assez reconnus…
L’album est magnifique, j’espere que vous pourrez ramener encore de nouveaux ahuris !
++