Rencontre avec Siméo lors de son passage au Café de la danse pour la soirée « Ouvrez les guillemets ». On se cale dans la loge histoire d’être plus tranquille, avec la douce voix d’Etyl (en pleine répétition) qui nous a servi de joli fond sonore… c’est parti !
Bonjour Siméo. Sous un ciel trois étoiles est ton troisième album, peux-tu nous parler un peu de ton parcours musical ?
C’est assez classique, au sens premier du terme puisque j’ai commencé petit par du solfège, j’ai commencé tout simplement avec les études assez classique de la musique. J’ai un peu décroché de tout cela au profit de d’autres activités comme le sport puis vers les 13-14 ans, je suis revenu à la musique mais plus avec une guitare pour jouer les reprises des groupes que j’aimais bien. Y a eu divers groupes à l’adolescence, de ceux où tu fais du rock, du très très rock, aussi ceux où tu fais du punk-ska-reggae puis finalement j’ai fini avec un groupe de reggae qui marchait pas mal vers 16-17 ans. On était en Rhône-Alpes à l’époque, et quand le groupe a splitté vers 18 ans, j’enregistrai mon premier disque solo. Ensuite tout s’est fait naturellement, premier disque première date, ça s’est un peu amplifié puis deuxième disque etc. Et c’est devenu mon métier. Tu vois, j’ai commencé à 18 ans en continuant à faire des études en parallèle.
Et comment tu fonctionnes au niveau de la composition ?
Je compose et j’écris tout le temps, j’essaye de prendre des notes et tous les ans ou tous les deux ans j’essaye de faire le point sur ce que j’ai, on garde ce qu’il y a de mieux et après on sélectionne pour faire un disque. Il n’y a pas spécialement de règles. Ça peut être une mélodie fredonnée sur dictaphone, un texte qui est né en deux secondes comme un texte qui est travaillé depuis un an parce que je cherchais les mots qui manquaient et que je n’arrivais pas à trouver. Là, c’est vachement plus compliqué. Quand tu écris une chanson et qu’elle nait tout de suite, là c’est bien t’es content; et si t’as, genre la mélodie, et tu poses un yaourt dessus parce que t’as pas encore le texte c’est hyper compliqué de revenir dessus.
Que peux-tu nous dire sur ton fameux pédalier « fait maison » qui te suit partout ? Il caractérise quand même l’univers musical de Siméo comme cette pluralité d’instruments que tu gères tout seul sur scène
Les instruments sont nés un peu d’un concours de circonstance. On s’est retrouvé avec mon ingé son à devoir mettre en live un album qui était fait en studio et dont j’avais fait tous les instruments présents sur le disque. Du coup, on a pensé à un système de boucle pour permettre tout cela mais comme les systèmes de boucle du commerce ne me convenaient pas, il a programmé un PROM système qui est devenu un instrument maison complétement farfelu et ça s’est un peu amélioré jusqu’à la dernière version sur laquelle je mets des instruments classiques, des basses, des claviers, des guitares et puis quelques bruitages divers tirés du quotidien.
J’ai une impression que Siméo grandit à chaque album. Un peu artiste des rues sur « Les idées bleues« , puis tu nous a montré ton attachement au reggae avec « Envie » et là on baigne dans la chanson française avec « Sous un ciel trois étoiles« .
Ton impression résume bien le truc (sourire). Il y a le premier album qui est des chansons de rues, d’accordéon. Le deuxième album « Envie » qui est un album de rupture, très intimiste, en acoustique et teinté reggae parce que comme j’ai fait tous les instruments, naturellement c’est ce qui est revenu. Et cet album là « Sous un ciel trois étoiles » qui est plus pop et un peu plus varié parce que c’est une équipe qui a bossé dessus cette fois; et du coup les musiciens ont ramené leurs bagages et ça a donné un album varié sur lequel y a un gros travail sur la voix, y a moins de jeu de bricolage. C’est une évolution naturelle mais c’est une photo qui est prise à cet instant là, je ne te dis pas que dans mon prochain album ça va être un truc complétement punk ou ragga. Ce n’est pas un chemin qui est tout tracé, ça peut prendre un virage où un élément de la vie qui arrive, une rupture ou un décès et tu fais complétement différemment les choses après. Ce que je peux te dire c’est que j’avais envie de faire un album que les gens écoutent, sur scène j’expérimente énormément et du coup c’est moins accessible. Et si tu donnes pas aux gens des clés ou un album plus lisible ben, ils viendront jamais te voir en concert et moi le but c’est quand même de faire des live. C’est comme une clé pour ouvrir la première porte et adhérer … Et adorer et là c’est encore mieux !
Et cette touche « pop » qu’on retrouve sur « Sous un ciel trois étoiles » est dûe aussi au fait du passage de l’autoproduction à une signature chez Bouh Musique ?
Non, parce qu’en réalité c’est la même équipe. C’est juste passé d’une association à une société pour des questions de business, de façon de gérer la trésorerie mais ça n’a rien changé, c’est toujours mon frère qui produit mes disques.
Avec « Je mens » y a un mélange de dérision et de mise à nu en même temps, t’as pas peur des fois qu’on te prenne au pied de la lettre ?
Oui et non (rires). C’est marrant mais tu sais, les gens proches qui me connaissent arrivent à dissocier le personnage de la personne. Maintenant, ça ne s’invente pas non plus, quand tu écris une chanson où tu racontes que tu mens tout le temps, ben c’est pas écrit au hasard (sourire), tu vois ce que je veux dire. « Je mens » est un exemple particulier parce que c’est une chanson à vocation pop, avec un refrain qui vient, comme la chanson « Les timides » c’est forcément moi. Oui il y a un risque mais en même temps on est tous bourrés de défauts et les gens qui t’aiment ben ils t’aiment avec tout le package et ceux qui ne t’aiment pas ben ils t’aimeront pas de toute façon, donc ça ne sert à rien de leur mentir et de montrer que t’es quelqu’un de différent.
Je me demande si c’est plus facile de captiver l’attention des gens en les faisant rire ? On retrouve toujours une touche humoristique dans les chansons, je prends l’exemple de Sarah où tu chantes « Il fait trop froid dehors pour me jeter par la fenêtre«
Je trouve que c’est pas le rôle du chanteur de donner des leçons de morale. Moi je fais un état des lieux, surtout un état des lieux de ma vie. C’est une façon de traiter des choses un peu plus noires, « Mademoiselle« , par exemple, est une chanson qui parait très pop mais ce dont elle traite c’est des choses très dures et très vrais, et tellement (il s’arrête de parler) … Tu vois, moi j’en vois beaucoup de « Mademoiselle » (soupir) . Et … J’ai oublié le début de ta question (rires)
La touche humoristique dans les chansons
Voila ! Je pense qu’il est plus judicieux de mettre cette musicalité dans les chansons tristes pour faire passer la chose. Quand tu écoutes une chanson comme Madeleine de Jacques Brel, malgré le texte lourd et triste, ben la musicalité ne l’est pas, c’est groovy (sourire).
Y a un moment sur cet album là, j’avais envie de faire quelque chose de léger, globalement pop quoi.
Une façon de s’éloigner de l’univers d’Envie qui est plus intimiste …
Ouais et qui est définitivement un album de rupture. Quand tu écoutes toutes les chansons d’Envie ça s’adresse à la même personne … C’est un album de désespoir, il sent un peu la douleur.
On s’en était pris plein les yeux la dernière fois que t’es venu à Paris pour le concert à la Boule Noire, tu aimes beaucoup la scène! T’es même parti jouer en Asie.
C’était ta première tournée internationale hors Europe. Comment cela s’est déroulé ?
La tournée en Asie c’est vraiment une question d’opportunité. On a fait 6 pays complètements différents (Viêtnam, Thaïlande, Cambodge, Brunei, Myanmar / ex- Birmanie, Bangladesh), c’était magnifique, hallucinant ! J’étais qu’avec mon ingé son, Stéphane. Ce qui s’est passé, c’est qu’il y avait le coté « artiste français super exotique » (rires). On a eu toute la presse, les télés, tous ces trucs (sourire) et les gens pensaient comme si on était … Johnny Hallyday (rires). Donc y avait ça, cet aspect là avec la vie dans les palaces, des photos de 5 mètres avec ta gueule dessus, là c’était super cool. Mais aussi, y avait l’autre coté où on se rend compte que dans ces pays, la vie est hyper injuste et hyper dure. En même temps, en Birmanie où on te décrit ça comme un pays vachement militarisé, complétement aliéné et ces gens qui vivent dans la misère, ben ils te donnent plus que ce que pourrait te filer un parisien (soupir)
Un sourire ?
Ouais, les gens ils ont rien pour vivre et pourtant ils te donnent des sourires comme personne t’en donnera. C’était une expérience complétement folle et on remet ça en 2011 et cette fois-ci on décolle pour l’Amérique du Sud.
Restons dans ce sujet de « scène ». Tu as fait plusieurs 1ère partie (Nosfell, Dionysos, …) et on te retrouvera aux cotés de Dominique A, Benjamin Biolay, et Brigitte Fontaine. Des artistes aux univers si différents que le tien.
C’est un peu ce système de boucle qui permet d’être tellement libre, je peux jouer devant un groupe de reggae et envoyer un set très reggae-ragga et le lendemain jouer avec Dominique A et faire des chansons plus enveloppées. J’ai le bagage déjà, cette double culture comme quelqu’un qui a une double nationalité. J’ai cette culture urbaine et musique noire puis de l’autre coté la chanson, ce que m’a appris ma culture de mon pays, ce patrimoine riche qu’on a. Donc je me sens à l’aise dans les deux, en jouant avec Dominique A ou dans un sound system.
Que penses-tu de la typologie musicale de la scène régionale en France ? De l’éléctro-dub à Lyon, le reggae-dub à Saint-Etienne, Paris et son rock, … ça n’aide pas vraiment puisqu’on rentre dans une sorte de communautarisme, tu ne trouves pas ?
Je vais te dire un truc, on a toujours fait cavalier seul sûrement parce qu’il y a jamais eu personne qui nous a tendu spécialement la main. Les gens se mettent dans des niches et c’est difficile de les faire sortir. On a eu de belles rencontres, le chanteur Sir Jean de Meï Teï Shô, c’est la seule personne que j’ai trouvé qui a cette culture d’éléctro-dub et puis le coté « ouvert ». En tout cas, pour moi, je viens de Lyon et je n’ai jamais trainé avec ces gens là. En faite, j’ai beaucoup bougé, j’ai beaucoup suivi des filles dans des villes et j’ai habité à droite à gauche.
(sourire) Un vrai électron libre ce Siméo !
Avec tout ce qu’il y a de difficile ! Finalement, on en parlait de ça tout à l’heure dans le train, à la fois on peut se fondre dans tous les décors et à la fois c’est trop ci trop ça. On est pas assez indé pour être chez les indés, pas assez variété pour être dans la variété, pas assez rock pour être avec les rockeurs, c’est fatiguant à force, mais c’est bien (sourire) On revendique ça, de ne pas avoir … c’est pas tellement ne pas avoir de famille mais plutôt ne pas s’imposer une étiquette !
C’est ce que les gens aiment aussi retrouver chez les artistes, sans oublier ta sincérité qu’on retrouve au delà des mots. Les petits mots que tu laisses sur ta page FaceBook (rires)
(sourire) J’essaye de mettre quelques articles souvent. D’ailleurs ça peut porter à confusion, parce que les gens ils pensent que c’est moi qui met tout ce qu’il y a, je suis …. (silence). Pendant longtemps, on m’a reproché d’être trop naturel donc on m’a poussé à pas être si naturel, même sur scène, genre attention ne dis pas ci pas ça et au final … Je m’en fous.
Y a jamais eu de démarche à suivre ?
Y en a eu, on a essayé de m’en donner parce que j’ai bossé avec divers partenaires, mais mon équipe m’a toujours soutenu et m’a dit de prendre ma liberté. Tu sais, ça tient tellement à rien tout cela, y a pas de sens, alors faut en profiter. Puis quand des gens viennent te voir en concert, tu essayes d’être le plus honnête possible. Si c’est pour jouer un personnage, je te dis un truc, ben je vais pousser beaucoup plus loin, si c’était juste une histoire d’argent de reconnaissance et de pouvoir ben je ferai les choses différemment. Aujourd’hui, j’ai fait mes choix et ça me fait marrer les gens qui disent que l’album « Sous un ciel trois étoiles » est le plus propre le plus commercial alors que c’est juste des gens qui n’ont rien compris à ma démarche. Le but c’était de ramener les gens dans les salles.
Mais faire un putain d’album aide aussi à rentrer dans la cour des grands.
On est dans un monde où les seules valeurs qui sont respectées sont l’argent et le pouvoir. Dans ma position actuelle, soit tu passes à la télé et les gens ont une considération complétement malsaine pour toi, soit ils ont de la compassion. Il n’y a plus de valeurs artistiques des choses, y a même plus de valeurs aux choses en faite si ce n’est l’argent et le pouvoir.
Bon Siméo en te souhaitant le meilleur avenir musical qui soit, merci beaucoup pour cet agréable moment. Un dernier mot pour Désinvolt ?
J’aime beaucoup faire ce métier, c’est très bien si ça continue.
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