Sur la sombre pochette, les traits d’un visage fin, féminin, se révèlent. Le décor est posé, l’ambiance tamisée de soupirs, de désirs et déjà les trompettes introduisent une Debbie aguicheuse et provocante, sensuelle et électrique, dans les vapeurs d’alcool et la fumée poisseuse des rades du monde entier. Août 2004. Dans l’intimité d’une scène rock française en déliquescence, sort Debbie, troisième album de Saez, dont les légers remous en surface de l’actualité hexagonale ne sauront masquer l’impact de cet opus dans les profondeurs de la poésie rock contemporaine. « Allez envoie le corps au défi de l’hardcore ».
La beauté, le venin, et la féminité. L’évasion, la liberté, et l’ivresse des sons. Ambiguïté coquine au sourire grave des instants charnières, et la mélancolie… Debbie est l’essence, le cœur céleste d’un romantisme rock, l’incarnation artistique et planante d’une sensibilité exacerbée. « Tu gémis au secours, à la mort à l’amour ». Une sensibilité écorchée, quand la voix s’unit aux distorsions, « artificiel faut bien toucher le ciel, dans la beauté du sale, dans la beauté du mal », ce quelque chose d’épicurien, aimer pour soi, à se déchirer.
L’air lancinant d’une évasion au galop d’une hallucination, « à la force de l’âme, sous le chant du chaman », sur un rythme entêtant, les paupières closes et le cœur gros. Refaire ce monde qui s’infantilise, autour d’un verre et d’un pétard, constat d’une déresponsabilisation des individus, d’une terre qui court en bourse plus vite qu’elle ne tourne. « C’est connard le barbare qui gouverne l’étoile, la faim sur les trottoirs de la Californie ». Pourquoi s’y plaire, autant s’y perdre, dans le bleu… de ses yeux, avant de goûter à l’ivresse des Rimbaud et du spleen des poètes maudits.
De la poésie rock donc, à se laisser submerger, noyer dans le flot des paroles, « dans les mots, les complaintes », et des questions qui se posent. Que voulons-nous? Où allons-nous? Après l’instant renaît un nouveau présent que l’on voudrait réfuter. Comme une ombre, envie de crash, envie de clash, « De la foire au pognon, je serais le cracker », ne rien lâcher, aller au bout des nos idées et puis se laisser aller à être le pire de nous-même… Avant de regretter. De chercher des réponses à ces interrogations qui nous hantent, existentielles, ou pas. Là se pose Marta, entre abnégation et abandon.
Et puis foncer, la tête la première, à ne garder que le meilleur, même quand il fait mal, surtout, quand il fait mal. « Au brûlant de la peau, au puissant des parfums de la sueur de l’autre », sur un cuivre hallucinogène. « Que s’arrête le temps, que continue l’instant ». Les sens à l’affût du moindre des frissons, et toujours ces questions qui jamais ne nous lâcheront…« Tu y crois toi? », comme on interpellerait la confiance de l’autre, pour se rassurer… avant de mieux sauter… « La magie des rencontres »… et la fatalité, et la futilité… « Doit y avoir autre chose »…
- La Tracklist:
- Debbie
- En travers les néons
- Céleste
- Marie ou Marilyn
- J’hallucine
- Autour de moi les fous
- Dans le bleu de l’abshinte
- Comme une ombre
- Marta
- Clandestins
- Tu y crois
2 commentaires
Belle critique. Merci.
J’ai adoré cette interprétation des textes, merci !