« Guess who’s back ? » Un gimmick bien ancré maintenant dans toutes les caboches des aficionados du rappeur white trash de Detroit. Tous les fans qui avaient, depuis plusieurs mois maintenant, enclenché le compte à rebours sur toutes leurs horloges et calendriers ont enfin pu fêter hier leur nouvel an à eux, ce lundi 21 juin de l’an de grâce 2010. « Exit » les démons qui hantaient le Slim Shady sur Relapse, plongeant le disque dans une ambiance sombre et méphitique, digne d’un cauchemar de tueur en série. Aujourd’hui Eminem revient à la lumière avec un nouvel album et marque ainsi un gros tournant dans sa carrière.
Fan de la première heure, j’ai découvert Eminem au collège avec l’album Marshall Mathers LP. La claque tout simplement. S’il m’arrive de ne pas toujours investir mes euros dans le format CD, il n’y a pas un album de l’artiste qui manque à ma discothèque. En y repensant, c’est peut-être bien lui qui m’a enseigné le goût pour le hip-hop et par la suite le goût pour la musique en général. C’est donc avec impatience et beaucoup d’appréhension que j’attendais la sortie de cet album annoncé comme un virage à 360° dans l’œuvre du petit diable du Michigan.
En effet, le changement est radical et se remarque dès l’instant où l’on tient l’objet entre ses mains. L’image représentant Em‘ de dos, avançant seul sur une route déserte et qui illustre l’album rompt complètement le ton avec celui de ses anciens disques, notamment du dernier, Relapse. On retrouve ici des couleurs lumineuses, apaisantes. On peut donc s’attendre à entendre un autre homme sur ce disque ou en tout cas un Eminem en paix avec lui-même. Voyons ça !
Cold Wind Blows… démarrage en trombe sur ce premier titre et première erreur de ma part. Eminem est apaisé mais ce n’est pas pour autant que le bad boy qui, il y a quelques années encore, électrocutait Dick Cheney sur son siège s’est calmé !
Shady ne bouffe plus de médocs, mais la bête a toujours la rage et qu’est-ce que c’est bon ! On oublie les introductions sous forme de petits sketchs audio auxquels il nous avait habitués pour rentrer tout de suite dans le tas avec ce flow intense et plein d’énergie qui a fait sa réputation. Il le dit lui-même : « Let’s be honest, that last Relapse CD was « ehhhh » / Perhaps I ran them accents into the ground » (« Soyons honnête, Relapse n’était pas à la hauteur / Peut-être que je roulais trop les accents jusqu’à saturation« )
C’est le revival d’un lyriciste et d’un rappeur hors pair auquel on assiste ici. Il suffit d’écouter Not Afraid pour s’en assurer. Eminem fait vivre ses textes grâce à des rimes riches et un sens du rythme inimitable, une avalanche verbale qui secoue très sévèrement l’auditeur de WTP à 25 To Life jusqu’à Untitled. Ceux qui regrettaient l’époque du Eminem Show où Eminem tirait une balle à chaque rime vont être servis! Le vieux Em’ est de retour !
Côté production, le tandem qu’il formait jusqu’ici avec Dr. Dre se sépare pour laisser place à de nouveaux venus (pas si nouveaux en fait) et répondant aux noms de Just Blaze, Boy-1da, Travis Baker, DJ Khalil, Jim Jonsin ou encore Havoc du groupe Mobb Deep… Un changement encore une fois radical, lui qui nous avait habitués à des productions G-funk estampillées West Coast. Ce nouvel album est guidé par les émotions de Eminem qui endosse lui aussi la casquette de producteur sur cet opus et nous livre des morceaux beaucoup plus intimistes et mélodiques que d’habitude. Space Bound et sa guitare sèche (Magnifique !), Talkin’ 2 My Self ou encore 25 To Life assurent les plus beaux moments d’émotions.
Un genre auquel Mr Just-Don’t-Give-A-Fuck ne nous avait pas vraiment préparés (mis à part les chansons Stan et Hailie’s Song, Mockingbird…). Même si les compositions ressemblent de près ou de loin à celles de Relapse, celles-ci transpirent la sincérité. Que ce soit Not Afraid et son synthé omniprésent voire planant, Seduction qui pourrait très bien être tiré d’un album de T.I. ou Lil’ Wayne (pas étonnant quand on sait l’intérêt qu’ Em’ porte à ces deux artistes), chaque morceau est travaillé avec soin et laisse à la place au flow de Em’ pour s’imposer.
Il faut quand même le dire, ce choix musical répond sans doute à une certaine demande depuis l’arrivée de Lil’ Wayne et T.I. sur le devant de la scène hip-hop mondiale.
Mais que ceux qui se sont arrêtés à The Eminem Show se rassurent, Recovery cache aussi son lot de tubes bien gras et lourds comme on les aime. Ainsi succède au très rock’n’roll Won’t Back Down (Pink au refrain oblige), Cinderella Man sur une prod de Eminem lui-même, les cuivres entrainants de So Bad (la seule production du Docteur) et Almost Famous, sûrement l’un des titres les plus énervés de cet OMNI (Objet Musical Non Identifié, dans la carrière de l’artiste j’entends).
Eminem s’enflamme, mitraille, explose, rentre dans le tas, taillade, désintègre pour finalement vous faire capituler.
Recovery se présente comme ce qu’aurait dû être Relapse à sa sortie, un album décomplexé et sincère marquant ENFIN le retour d’un artiste au meilleur de sa forme, un autre qui a fait face à ses démons et qui, aujourd’hui, ne cherche plus à regarder derrière lui mais, au contraire, bien droit devant et continuer sa route.
Tracklist :
- Cold Wind Blows
- Talkin’ 2 Myself Feat. Kobe
- On Fire
- Won’t Back Down Ft. Pink
- W.T.P.
- Going Through Changes
- Not Afraid
- Seduction
- No Love Ft. Lil Wayne
- Space Bound
- Cinderella Man
- 25 to Life
- So Bad
- Almost Famous
- Love the Way You Lie Ft. Rihanna
- You’re Never Over
- Untitled