L’Angleterre est un pays qui me fascine de plus en plus. Au fil des années je me suis construit un mythe autour de cette région du monde et plus précisément de son cœur, Londres. Un fantasme certainement nourri par les centaines voir les milliers d’heures passées à écouter, en vrac, les Who, Sex Pistols, Led Zeppellin, The Rolling Stones et autres Prodigy, Jeff Beck et David Bowie… Les anglais sont à la fois légers et sérieux, classes et désinvoltes mais aussi, résolument rock et c’est bien tout ce mariage qui m’attire ! N’y ayant pourtant jamais mis les pieds, à l’écoute des ces morceaux j’arrive presque à discerner les paysages, les bâtiments, l’ambiance qui règne dans ces quartiers où la musique tient toujours une place importante.
Je vois des couleurs et je me dit : « Je suis sûr que c’est comme ça là-bas ! »
Bon, évidemment le nouveau millénaire est passé par là, la puberté commence tout juste à se faire oublier et cette espèce de nostalgie pour une époque que je n’ai pas connu aussi. Le temps m’a finalement rattrapé par le colbar et depuis deux ou trois ans, j’ai un peu délaissé ces grands noms de l’Histoire du Rock et de la Musique qui ont façonné mon imaginaire pour écouter un peu ce qui se fait « là-bas » depuis. Je me suis alors intéressé au hip-hop avec comme terrain de chasse, toujours Londres. La capitale du monde est un véritable pôle culturel où chacun peut y trouver son bonheur et ce n’est pas les groupes que j’ai cité plus haut qui diront le contraire.
Lassé par les productions américaines trop « G’s » et stéréotypées à mon goût, c’est bien la rencontre et le choc brutal que j’ai eu en découvrant The Streets qui m’a retourné l’esprit. J’ai retrouvé là-dedans, l’énergie et la créativité d’une jeunesse anglaise que je pensais mise à mal depuis plusieurs décennies maintenant. Les couleurs que je voyais en fermant les yeux lorsque j’entendais Street Fighting Man des Stones ont soudainement changé, éclatées par le prisme de l’Angleterre du XXIème siècle. L’électronique était maintenant de la partie, prêt à chambouler les règles.
Il est clair que le hip-hop anglais ne cesse de grossir (et rapidement) depuis la fin des années 90 depuis l’arrivée d’artistes comme Roots Manuva, Blade et compagnie. Loin des clichés du genre, cette première vague a laissé ensuite la place à d’autres MC plus viscéraux et underground comme Dizzee Rascal, Foreign Beggars, Wiley…
Le hip-hop anglais a su développer sa personnalité pour rivaliser face aux pionniers du genre outre-atlantique. Lorsqu’on écoute Earth Wind And Fire de Jamie T, Let’s Push Things Forward de The Streets ou encore Writer’s Block de Just Jack on sent tout de suite cette touche d’originalité et d’insouciance dans la musique qui ont fait la renommée des sujets de la Reine Elizabeth. Un style et un esprit anglais inimitables. Les anglais osent les mélanges, quitte à en dérouter plus d’un n’importe où ailleurs. Ça, les anglais s’en foutent, ils servent une musique qui leur ressemble : extravertie, nourrie de multiples influences et, contrairement aux idées reçues comme quoi les rosbifs seraient un peuple rétro, définitivement inspirée.
Et au vu du nombre de supporters qui achètent leurs CD et se ruent à leurs concerts, c’est bien le signe qu’il y avait une réel demande de la part du public pour ce style de musique en Angleterre.
Aujourd’hui, l’arrivée d’un nouvel élément à ce tableau déjà bien rempli : DELS vient sortir de l’ombre le drapeau à la main afin de se hisser en tête de meute d’un mouvement qui prend de plus en plus d’importance au Royaume-Uni.
Krieren Dickins est encore un jeune rappeur (il est aussi graphic designer) quand il se fait remarquer à Londres par John Peel, célèbre animateur radio sur BBC 1 qui le passe à l’antenne. Depuis DELS a continué son petit bonhomme de chemin jusqu’à signer avec Big Dada, THE label hip-hop anglais. Promesse d’un album dans les mois qui viennent donc, DELS peut aujourd’hui sortir de ses frontières et venir nous balancer au visage son EP, Shapeshift contenant le morceaux du même nom accompagné de quelques remixes.
Un seul titre donc à l’origine, mais qui suffit à lui seul pour nous faire baver d’envie à l’annonce du futur album qui devrait arriver. Shapeshift c’est d’abord un souvenir pour ce gamin originaire de Ipswich, celui où, tout petit il se racontait des histoires dans sa chambre et rêvait qu’il pouvait se transformer (nous le rappelle le sample pop très 70’s au début du morceau). Et pour mettre en musique ces réminiscences, Krieren s’est entiché de Joe Goddard, l’ancien guitariste de Hot Chip. Le résultat est pour ainsi dire, électrisant. Shapeshift livre ses nappes électroniques explosives sur près de 4 minutes alliées au flow lourd de DELS. Un sentiment d’urgence se fait ressentir tout au long du titre qui donne inévitablement envie de remuer la tête d’avant en arrière.
Après le grime enragé de Dizzee Rascal et les allées et venues dans l’univers UK Garage pour Mike Skinner il semblerait que le hip-hop anglais va bientôt devoir compter un nouvel ambassadeur.