30%. IAM répond. Sur les vibrations lancinantes des cordes d’un violon (celles de la B.O du film Spartacus), charriant cette émotion d’une nuit passée sans pioncer, entre haine et amour, colère et abattement… Rancœur envers cette ville qui menace désormais les leurs. Le Front National vient de recueillir 30% des suffrages aux élections municipales chez eux, à Marseille, et de prendre les villes de Toulon, Orange et Marignane puis bientôt Vitrolles. Au cœur des années 90, Shurik’n et Akhenaton décident de dégainer leur stylo, meurtris dans leur âme, ils répondront par ces mots :
Un sample de violon qui fait merveille, un beat qui claque sec, sans effusion superflue, les flows sont sévères, implacables, Akhenaton d’abord, pour un complet cash, agressif comme rarement dans sa prose. Les 30%. Le calcul est simple, formel, « un type sur trois…« . Il s’en prend à la France, aux français aussi, les interpelle, leur redessinant les contours de ce pays où l’on cultive la haine et la misère avec un vrai savoir-faire. C’est au tour de Shurik’n de prendre la parole, dans un habile passe-passe de couplet/refrain alternés entre les deux MCs. Il se fait plus calme, mais pas moins échaudé, on ressent le bouillonnement de l’intérieur. S’il garde le regard lucide et la tête froide, il n’en est pas moins prêt à bondir. Il a sorti ses griffes, et son texte arrache les affiches bleu blanc rouge bien trop à la mode.
Shurik’n, Akhenaton… Manifeste n’est pas pour autant un morceau d’IAM à proprement parler. Il sort sur l’album solo de Shurik’n, Où Je Vis, en 1998, Akh n’apparaissant ici qu’en featuring. C’est la quinzième chanson du CD, la dernière (dans la première édition de l’album). Elle conclut par un chef-d’œuvre un album réussi, nous figeant sur les derniers mots a cappella de Shurik’n : »Que la putain d’aujourd’hui redevienne princesse d’autrefois »« . Au violon de cette instrumentale remarquable, à mon goût la plus belle du rap français, de ponctuer ce discours, pour que reste en tête cette mélodie et cette envie de se battre, au quotidien.
Cette instru a été réutilisée par IAM quelques années plus tard sur la tournée suivant la sortie de l’abum Revoir Un Printemps, accueillant le texte 21/04 écrit en réponse à la présence de Le Pen au second tour des élections présidentielles de 2002. Akhenaton et Shurik’n, associés à ce moment là au troisième MC du groupe, Freeman, recroisent alors le fer sur le sample de Spartacus. Les thématiques abordées étant tellement proches, 21/04 pourrait être simplement la suite de Manifeste, même si ce dernier reste sans doute plus abouti.
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Les paroles de Manifeste
Shurik’n sur Wikipédia
Le myspace de Shurik’n
Le site officiel d’IAM
Un commentaire
Ouai ouai. Dans 10 piges, le rap aurait enfin une légitimité dans les médias/press, et les plus grands de ce mouvement auront raccroché les micros.
Bon morceau, de toute façon l’album de Shurik’n en solo est un des rares albums (de rap) parfaits.