Big L – Da Graveyard
Rétro
Publié le 23 décembre 2011 à 12:00 par Samuel Aupiais Commentaires fermés sur Big L – Da Graveyard #Hardcore #Hip-Hop #RapLa fidélité en musique n’a jamais été l’un de mes points forts. Entre rock, soul, funk et électronique mon petit coeur n’arrive pas à se fixer et ne sait sur quel pied danser. Et maintenant que ma période « rock » s’achève au milieu du vacarme infernale d’Hanni El Khatib, The Death Set et des Black Keys, voilà que l’envie me reprend soudain de rejeter un coup d’oeil (en l’occurrence ici, mes oreilles) sous la jupe de mon premier amour, le hip-hop. Orelsan dirait : « Remettre un coup dans une ex ?… Mauvaise idée ! »
J’ai donc ressorti les vieux skeuds du placards (c’est un paradoxe, je viens tout juste de les acheter) pour finalement poser mon dévolu sur Lifestylez On Da Poor & Dangerous, sorti en 1994 de feu, Big L.
C’est Groswift du fanzine Gasface qui dans une interview donnée à l’ABCDRduson en 2007, qui rappelait à propos du débat rap français/rap US : « Français ou non c’est pas la question. Quand t’aimes le whisky tu vas en Ecosse. » Propos à méditer…
Le hip-hop aux Etats-Unis a permis de lancer, d’inspirer de nombreux artistes à travers le monde et comme pour la France, la décennie des années 90 constitue sans doute l’âge d’or de ce mouvement. Le boom-bap était à l’honneur, la musique sortait tout droit des ghettos américains, principalement de New-York et Los Angeles.
Le gangsta rap est alors en tête de proue parmi tous les styles existants : il raconte crûment et cruellement, le quotidien de ceux qui survivent dans ces quartiers difficiles. Champions toutes catégories, les rappeurs Tupac Shakur et Notorious BIG n’avaient pas leurs pareils pour décrire avec les mots et le slang (« l’argot ») cette réalité sociale. Tout le monde se souvient du morceau « Juicy » de Notorious BIG et du sample de « Juicy Fruit« , pioché dans le répertoire du groupe funk Mtume.
Mais il en est un, qu’on ne ressort que plus rarement, c’est Big L. Lui et sa musique transpirait la réalité qu’il racontait dans ses morceaux : la rue, les gang, la violence, les trafics… Big L décrivait aussi tout ça dans un style brut et sec qui n’était que le reflet de ce qu’il vivait au quotidien. C’est peut-être d’ailleurs pour cette raison que le rappeur n’est finalement resté qu’une icône de l’underground.
Si le disque, Lifestylez On Da Poor & Dangerous est désormais un classique et Big L une légende du rap américain aujourd’hui (il trouvera la mort à Harlem, à l’âge de 24 ans tué de 9 balles dans le corps), pour rédiger une rétro il fallait bien faire un choix et préféré un morceau plutôt qu’un autre. C’est finalement « Da Graveyard » qui remporte la compétition.
Le morceau pose le décor. New-York, le quartier de Danger Zone (quartier situé au nord d’Harlem), la grisaille et la tensions retenues derrière les murs. Sur les 5 minutes et 23 secondes du titre, vont tour à tour venir se poser la voix et le flow carré, en béton armé, des 5 MC’s invités par Big L (Lord Finesse, Microphone Nut, Jay-Z, Party Arty et Y.U). De l’ego-trip pur et dur, servit par une brochette de rappeurs de qualité parmi lesquels on retrouve un petit nouveau, Jay-Z. Ce dernier n’a pas encore sorti son premier album studio qui paraitra deux ans plus tard, en 1996.
A propos de « Da Graveyard » Groswift racontera toujours pour l’ABCDRduson que le flow de Big L sur ce morceau représente peut-être son « rap préféré« . Personnellement, je trouve le couplet de Jay-Z, techniquement supérieur, la façon qu’il a de faire tomber ses rimes à la fin de chaque mesure, un flow « à l’ancienne » qui vous fait obligatoirement balancer la tête d’avant en arrière jusqu’à ce que votre nuque se brise.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=1eEzzN08Moc[/youtube]
« Le cimetière », avec ce morceau, Big L a prouvé qu’il pouvait tenir la distance face aux autres poids lourds du milieu. On regrettera simplement que l’homme n’est pas eu la reconnaissance qu’il méritait. Si Lifestylez On Da Poor & Dangerous ainsi que les autres albums qui ont suivi ont tous été des succès critiques, commercialement Big L n’a pas trouvé son public, sa noirceur, qui était aussi celle des rues de « Danger Zone », en est peut-être la cause. Cependant, son quartier ne l’a pas oublié, en témoigne encore aujourd’hui le graffiti à son image qui habille l’un des nombreux murs d’Harlem.