Suite et fin de ce long entretien avec Eiffel, j’espère que cela vous a plu et que ça vous a donné envie d’écouter leur musique si vous ne connaissiez pas vraiment le groupe, ou de vous précipiter en septembre prochain pour acheter ce Foule Monstre. Bonne lecture et à bientôt pour un prochain interview, plus long ou plus court, wait and see… 😉

Un truc aussi quand on parlait de ton rapport avec la foule…

Romain : Ce n’est pas le mien, c’est finalement mon regard du rapport avec la foule de mes amis…

Non, non, lors des concerts, lorsque vous descendez dans la foule pour chanter et jouer.

Romain : C’est une chose qui n’est pas originale, puisque bien des chanteurs le font et on s’attendait peut-être à ce qu’on le fasse en slammant ou ces choses-là, mais je ne sais pas slammer… (Rires) Déjà, je n’ai jamais fait, c’est vrai… C’est fait avec énormément de douceur sur des chansons qui sont plutôt rentres-dedans donc ça crée un faux rapport comme ça, que je trouve marrant. On l’a fait sur quelques concerts, là je l’ai fait chaque soir, par exemple. Je m’en veux de l’avoir fait chaque soir et en même temps, je n’ai pas pu m’en empêcher… Ce n’est pas original, et en même temps dans notre manière de le faire et de le jouer, c’est-à-dire qu’à ce moment-là ce qui se passe, ce n’est pas un des membres du groupe, notamment moi, qui descend dans la foule, c’est quatre personnes qui décident à un moment donné qu’il y en a un qui va dans la foule et les trois autres continuent à jouer. Ils sont sur scène, on peut les voir. Et du coup, il y a ce rapport-là où il n’y a plus trop du public et plus trop de groupe. Ce que fait très bien Didier Wampas, j’adore comment il le fait, dans un autre style de musique, mais c’est un vrai bordel… J’ai un petit problème avec le fait d’aller dans la foule en fait, si tu fais comme ça : bam, à ce moment-là tu es Dieu le père, tu te mystifies (en même temps je trouve ça très beau chez les autres). Mais après c’est peut-être des problèmes perso, moi, j’ai plutôt tendance à m’excuser de ce truc-là donc il faut qu’il y ait un côté un peu potache, que cela ne fasse pas trop sérieux. Parce que c’est ridicule quand même tout ça…

Mais c’est tellement sympa. Quand tu es dans le public, ça fait toujours plaisir de voir un des membres du groupe descendre.

Romain : Si c’est sympa et que l’on ne perd pas en énergie alors on a gagné. Si on ne perd pas en énergie, et qu’on n’est pas non plus : « ils sont gentils, ils sont braves », parce que ça, ça me gênerait. Mais si on reste chauds, proches du public et que l’on ne perd pas le groupe à ce moment-là aussi. J’y pense à chaque fois que je descends, ce genre de trucs, je me dis : « Putain, je me barre mais je joue avec trois autres personnes ». Le sujet, ce n’est pas moi, on décale le propos lumineux, sonore etc. Là, ça marche. Et c’est toujours chouette que le public participe d’une manière ou d’une autre…
Là, on a de grandes phrases mais c’est de la musique populaire, à un moment il faut que les gens sortent heureux du concert, un peu grandis et que nous aussi on sorte avec un peu plus d’épaisseur. En fait, on cherche des choses très simples et on passe par des chemins parfois compliqués pour y arriver.

Eiffel @ Festival desZicophonies, Clermont de l'Oise - 19-05-2012

Eiffel @ Festival des Zicophonies, Clermont de l'Oise - 19-05-2012

À propos du visuel de Foule Monstre, toi qui parlais de Gorillaz, justement, je trouve qu’il fait très Gorillaz et cela change avec vos précédents albums, pourquoi un tel choix ?

Romain : Ouais, ouais, allons-y, il y a plein de choses à dire là-dessus, à mon avis passionnantes. Qui commence ?
Nicolas Courret : Heu, oui, non, oui. C’est des dessins avec des personnages. Très Gorillaz, il ne faut pas trop le dire aux graphistes qui ont fait la pochette. C’est un collectif qui s’appelle Chakipu qui est sur Nantes et il ne faut pas leur dire que ça fait penser à Gorillaz parce que cela va les énerver. (Rires)
Estelle : Effectivement, Gorillaz a fait des trucs BD mais il y a plein d’autres groupes qui l’ont fait… Au niveau des dessins en eux-mêmes, cela n’a rien à voir avec ceux de Gorillaz

Oui, oui, c’est un peu dans l’état d’esprit, de toute cette foule, de tous ces petits personnages en BD…

Estelle : C’était le bon moment pour utiliser ce type de dessins. En tout cas, le fait de parler d’une foule montre, on n’avait pas posé avec genre 5000 personnes, et en même temps on avait envie de représenter beaucoup de monde, c’était l’occasion.
Romain : Surtout, c’est le prolongement de ce que je te disais tout à l’heure pour le son, c’est notre cinquième disque. On a oublié de dire un truc, c’est que l’on ne voulait pas réitérer les mêmes choses musicalement et au niveau de l’image aussi. On nous fout souvent dans le rock français bordelais ténébreux, ça, ça nous les casse mais tu ne t’imagines pas à quel point… Alors, c’est très simple, c’est très nature tout ça. J’ai vachement poussé aussi pour que ça aille dans ce sens de la BD pour prolonger l’idée du son. C’est ce que je disais tout à l’heure, c’est qu’il y avait des choses aussi graves à faire passer et ce qui m’intéressait c’est que cela puisse être dit dans un contexte où ce n’est pas grave, où ce n’est pas la réalité, où on est comme dans Candy. Et là, cela n’y a rien avoir avec Gorillaz dans la volonté. Après effectivement, j’ai vachement écouté Gorillaz, j’aime bien cette manière de détourner la réalité d’un groupe dans quelque chose où il n’y a plus de chair et on n’existe plus. Mais par contre, il ne s’agit pas d’un groupe représenté en BD. Et Gorillaz, surtout, a pris sur des choses préexistantes. Ils ont pris dans le manga, dans plein de trucs, dans l’esthétique rap, dans le tag. Gorillaz, c’est un génial ramassis des choses qui existaient avant. Donc finalement on se dit : « ouais, on est fans de Gorillaz, ouais on aime bien comment ils font, nous on va faire à notre manière mais on n’emprunte pas à Gorillaz, on emprunte à tous ceux qui ont fait des tags, à tous ceux qui ont fait des mangas. » Et personne ne s’attend à ça pour Eiffel. Et comme il ne s’agit pas d’un groupe représenté en BD mais d’un personnage dans une foule, on est peinards. Mais par contre j’accepte tout à fait le fait que de prime abord, comme il n’y a pas eu non plus de 40 000 groupes qui ont fait ça, que l’on parle de Gorillaz et putain, c’est chouette !
Estelle : Et à la base on n’était pas forcément partis sur un truc complètement en BD mais petit à petit, en cherchant des gens, des graphistes, on est tombé sur ce collectif de Nantes qui avait réalisé une fresque que l’on aimait tous. Et du coup on leur a commandé une fresque pour l’album. Et ça s’est barré complètement en BD avec plein d’esprits différents, parce qu’ils sont plusieurs à dessiner donc chacun a aussi son style. Mais ce n’était pas prévu à l’origine qu’il y ait une fresque tout en BD, on s’est laissé porter aussi parce que l’on a découvert.
Romain : Ils sont géniaux en plus, les Chakipu… J’insiste vraiment sur le fait que pour dire des choses qui parfois étaient graves, on voulait passer par quelque chose d’enfantin, de coloré, quelque chose de quasiment rassurant, ce n’est pas la vraie vie… La BD nous permet ça, au niveau de l’image. Cela prolonge l’idée sonore des bouts de machines, des synthés, d’un certain onirisme dans l’album sonore et de certains mots dans les textes. Et c’est aussi, tout bêtement, taper là où l’on ne nous attend pas, et c’est une envie esthétique que l’on a… S’il devait y avoir un sixième album d’Eiffel, peut-être que ce sera un album de huit titres enregistrés en deux jours, guitare électrique, basse, batterie, le tout braillé et voilà. Mais là, on n’a pas du tout envie de ça. C’est donc pour changer, pour ne pas enfoncer le même clou, s’étonner, ça nous étonne un peu. Moi, cela m’étonne qu’on aille jusqu’au bout de ce disque, je ne croyais pas qu’on irait exactement jusqu’au bout, je pensais qu’à un moment on bifurquerait, qu’on aurait un peu peur. Alors, en même temps il y a des choses qui ont été laissées de côté mais quand même, je pense que l’on n’a pas peur d’y aller. Quitte à perdre des fans qui s’imaginent, par exemple, que nous sommes les héritiers ou les enfants de Noir Désir, pour faire court, je préfère prononcer les choses avant. Non, pas du tout, on est ailleurs, c’est ça le truc…

Merci

Romain : Merci beaucoup… La deuxième question : « Pourquoi… » (Rires)

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