Depuis à peine une petite année, Désinvolt m’a permis d’obtenir un certain nombre d’accréditations pour faire des photos en concert.
Photographe depuis plusieurs années, mon expérience dans le domaine de la photo de concert était plus que limitée, je ne pensais d’ailleurs pas me mettre un jour à ce type de photos réservé aux « pros » il y a encore peu. Fort de 8 petits concerts dans des conditions aussi diverses que variées, j’avais envie de partager avec vous mon expérience, répondre aux questions que, je suis sûr, vous vous posez (je le sais parce qu’on me les pose régulièrement !) et même, folie suprême, celle que vous ne vous posez pas (… encore, bande de sacripans). Bien entendu, chaque photographe a sa conception de la photo de concert (et de la photo en général), donc cette diatribe ne vous donnera pas du tout de ligne à suivre, mais plutôt mon avis sur la chose et quand même quelques conseils sur ce que je pense être important. Et comme chez DV, on est plein de photographes, j’espère bien que d’autres viendront exprimer leur avis là-dessus, ici ou ailleurs.
Avertissements : cet article contient plein de termes techniques dont les non-photographes (et les femmes, dixit notre ministre de l’agriculture) n’ont rien à carrer, donc attention à l’overdose. Par ailleurs, toute ressemblance avec une personne de DV existante ou ayant existé est, bien entendu, purement fortuite (oui, oui, oui).
Comment obtient-on un pass photo et comment qu’ça s’passe pendant le concert ?
Comme je vous l’ai dit, c’est grâce et pour DV que je fais de la photo en concert. C’est donc par votre webzine préféré que passent les demandes d’accréd. Pas de passe-droit chez nous, celui ou celle qui ne passe pas par Isa finit au pilori de DV, enduit de goudron et de plumes et devra repasser par la case départ sans toucher d’album promo pour faire ses preuves ! Et c’est normal, sinon ce serait le dawa et on perdrait toute crédibilité auprès des labels… et donc on n’aurait plus d’accréd, et donc on n’existerait plus et donc ce serait la mort absolue et totale qui tue de votre webzine préféré (là tout le monde pleure).
Comme je suis un vrai moulin à écrire, en général le pass photo est agrémenté d’un pass « presse » qui ouvre le droit immense d’écrire un live report (et, pour ceux qui auraient raté le goudron et les plumes en ayant fait une demande en bonne et due forme, c’est l’occasion de se faire goudron-plumer lors de la correction dudit article). Mais bon, la plupart des photographes étant simplement constitués d’un oeil et d’un index sans rien entre les deux, ils n’écrivent pas toujours (ou alors très peu et très mal…. mouhahahaha… non non me tapez pas, pas la tête, pas la tête).
Pendant le concert la règle est simple : les 3 premières chansons sans flash. Cette règle est plus ou moins stricte selon la salle, l’organisateur et la renommée de l’artiste : depuis le vigile qui te fait bien comprendre qu’il est temps d’arrêter de se foutre de sa g… pour le concert de Florence & the Machine au Casino de Paris, jusqu’au gars du plateau qui te dit que tu peux faire autant de photos que tu veux pendant tout le concert à EZ3kiel au Théâtre d’Orléans. Pour ma part, je n’ai jamais eu d’avant-scène sur un concert, si si, vous savez cette sorte d’espace VIP qui permet de se déplacer sans souci pour faire les photos qu’on veut… que nenni ! Mais bon, je ne perds pas espoir et ça donne des photos plus réalistes on va dire (surtout quand Gégé-le-routier renverse sa bière, ou pire, sur ton matos pendant le pogo de la première chanson…).
Quel matos j’utilise ?
Que ce soit clair, les photographes, en dehors de leur oeil et de leur index, adooooooooooooorent parler matos. Et c’est pas peu dire, tenez parlez-en aux non-geeks de la photo chez DV (qui sont généralement geeks d’autre chose d’ailleurs, ou pire, geeks de Saez) qui reçoivent régulièrement des files continues de messages sur tel ou tel objectif qu’il est bien pour faire de la photo et tel ou tel logiciel qu’il dépote pour faire n’importe quoi avec ses photos… Bref, un calvaire pire que la semaine avant la sortie du dernier album de Saez (pas la tête…). Or donc, les photographes consacrent une part non négligeable de leur attention (et de leur budget) à ce prolongement naturel de leur index (et uniquement de leur index bande d’obsédés) que constitue le boitier et les objectifs qu’ils collent devant. Trêves de galéjades, le principal problème de la photo de concert, c’est la lumière (ou plutôt son absence)… un peu comme dans tout type de photo vous me direz, ouais, sauf que là c’est pire ! Donc, ça veut dire qu’on travaille d’abord avec des sensibilités élevées.
Depuis l’avènement d’un numérique grand public, on a la possibilité d’adapter cette sensibilité pour chaque photo… ouf, avant ça, les pellicules à ISO élevé coûtaient un oeil, étaient granuleuses au possible (mais bon y’en a qui aiment) et passaient très mal par mél. Aujourd’hui, tout le monde ou presque sait augmenter la sensibilité de son appareil pour s’adapter au contexte. Mon boitier déjà « vieux » (en termes numériques, il a 4 ans quoi) ne fait « que » 10Mpix et monte à 1600 ISO au maximum. C’est peu quand on voit les chiffres monstrueux des appareils modernes (plus de 32 000 ISO pour certains), mais bon, je connais pas les résultats de ces appareils et puis ça perd de son charme (ça c’est pour dire que je suis pas frustré). Autre remarque aussi, vu que la plupart d’entre nous ne fait que de la publi web et aucune affiche de 3x12m, le nombre de pixels supplémentaires au delà de 12Mpix importe peu, sauf si on fait beaucoup de recadrages serrés et autres fioritures que les vrais photographes évitent 🙂 (cf. ci-dessous ma position personnelle que j’ai sur le sujet). Même à cette sensibilité et avec des objectifs bien plus lumineux que leur photographe de propriétaire, je travaille à 1/30s, jusqu’à 1/60s les bons jours, le plus souvent à pleine ouverture… autant dire qu’il y a gras de déchet.
Ensuite il y a les objectifs, et c’est là que le bât blesse, puisque chaque photographe fait un peu comme il l’entend et qu’en la matière je pense que je ne suis pas DU TOUT un exemple ! Depuis très peu, j’ai investi dans un tromblon-de-la mort, aka 70-200/2.8, qui je dois dire est pas mal polyvalent car il permet à la fois des plans moyens (équivalent à 100mm sur un capteur APS) et des plans très rapprochés (plus de 300mm). Cela dit, dans les petites salles, la bête est parfois difficile à manier, ne permet pas d’être en avant-scène ni de faire de photo d’ensemble. Là, les gens organisés, professionnels ou encore de type riches ont 2 boitiers… bon, ben moi je galère souvent avec 2 ou 3 autres objectifs dans le court temps qu’autorisent les organisateurs. Evidemment, tous les objectifs ne sont pas égaux suivant la qualité et l’inspiration du metteur en lumière du concert… il y a donc des salles plus ou moins difficiles. En plus du tromblon magique, j’utilise un 50/1.4, un fish-eye 8/3.5 et mon vieux 17-85/4-5.6 qui est souvent à la ramasse mais qui m’a été bien utile à Florence & the Machine (et toc). En attendant, je réfléchis fortement à trouver un 24-70/2.8 et aussi à m’organiser mieux de manière à ne pas changer d’objectif PENDANT une chanson (et je progresse). Je vous l’ai dit, pas de règle stricte, et c’est bien ça qui stimule la créativité (et re-toc)… et comme n’importe quel photographe, ça fait une heure que je parle de matos :).
Sélection, post-traitement et publication des photos
Une fois rentré de concert, le lendemain, les yeux dans le pâté et les oreilles dans la ouate parce qu’on a oublié ses bouchons et qu’on a passé la soirée à côté de la grosse baffle, il est temps de faire le tri dans les photos. En moyenne, dans un concert, je fais entre 100 et 200 photos lors des 3 premières chansons (en incluant la première partie). Ah oui, j’oubliais, je ne fais pas de photo en rafale, parce que d’une part dans ce mode obtenir une chouette photo relève plus de la chance (ou du miracle) que de la technique ou de l’inventivité, et que par ailleurs, dans certains concerts un peu plus subtils que ce qu’écoute le désinvoltien moyen, je trouve le bruit des rafales peu respectueux de l’artiste (d’ailleurs plus généralement, faire des photos dans les moment calmes d’un concert est peu respectueux… mais j’y reviendrai). Bref, étant donné que les plus intégristes d’entre nous ne publient que 5 photos max par concert (hein Boris ^^) et que les plus prolifiques (ou les moins sélectifs) sont limités à une vingtaine par l’aperçu Flickr, on se doit de trier (et c’est pas plus mal). Là, chacun fait bien comme il l’entend pour choisir ses photos et ce qui est cool quand on est amateur, c’est qu’il n’y a d’autre obligation de résultat que celle qu’on se fixe, à savoir : le respect des artistes et des labels qui nous autorisent à assister au concert avec notre appareil.
Le processus déchirant de sélection s’accompagne en général de la phase la plus controversée de l’histoire de la photo du monde et de l’univers, à savoir : faut-il / doit-on retoucher nos photos ? (Je ramasse les copies dans 3h). En effet, de tous temps les photographes, après avoir longuement comparé la taille de leurs objectifs, ont invariablement commencé à débattre autour de cette sempiternelle question : et toi tu (te) retouches ? Jusqu’à l’avènement du numérique (il y a une petite dizaine d’années pour les plus jeunes d’entre nous qui ne se rappellent pas ou qui n’étaient pas nés), on n’avait pas trop le choix : pellicule couleur ou noir et blanc, recadrage lors du tirage et point ! Seuls les pros pouvaient se permettre des fioritures d’effets … Sauf qu’aujourd’hui, il y a Photosoupe et autres LumièreChambre qui permettent aux plus doigts-carrés d’entre nous de se prendre pour un véritable labo photo… ou pire, pour un magazine de mode féminine (et de passer plus de temps derrière leur écran que derrière leur boitier). Vous l’aurez compris, je ne suis pas un grand adepte des multiples effets que permettent les logiciels de retouche, et même si parfois cela donne bien chez les personnes qui savent ce qu’elles font, ça donne souvent rien chez les touristes photographes. Bon, cette position (qui me fait virer dans l’impitoyable catégorie des « Straight Photographers ») a été récemment mise à mal quand j’ai testé le noir et blanc sur certaines photos de concert… et autres retouches de contraste bénéfiques. Voilà, j’ai craqué, mais j’avais pas le choix mossieu le juge, c’est débile de faire du noir et blanc directement sur son boitier et pis le rendu est tellement mieeeuuuuux…. Bref, même si le noir et blanc c’est un peu tricher quand y’a des lumières rouges caca qui saturent à mort, ben faut dire que c’est beau quand même, et qu’un petit boost de contraste ne fait pas de mal à certaines photos. Voilà, voilà, je l’ai dit vous êtes contents ? Par contre, je ne recadre jamais au grand jamais, car pour moi, savoir cadrer c’est la base de la base, et que si tu sais pas cadrer, tu auras beau avoir du matos à 12 milions de brousoufs, tu seras et resteras toujours une bouse photographique… et re-re-toc.Pour la publi de photos, ben vous voyez le résultat tous les jours sur DV car Flickr est ton ami, il faut l’aimer aussi.
Combien ça rapporte ?
Aha, quelle grande question ! A Désinvolt, ça rapporte rien de plus que d’assister à des concert de supers artistes, parfois les rencontrer et boire une bière avec eux… et parfois rien, un petit « j’aime » réseau-socialisé ou un commentaire positif sur l’article. Voilà, c’est tout, ça s’appelle la passion et c’est tant mieux que ça se passe comme ça. Bien sûr, il y a parmi nous des plus pros qui arrivent à vendre quelques-unes (pas beaucoup) de leurs photos et c’est super. Mais en ce qui me concerne, si un jour j’arrive à en vendre une tant mieux, je prendrais pas le melon pour autant et j’espère ne jamais avoir à me foutre la pression de réussir des photos parce qu’il y a quelqu’un qui en attend quelque chose… Donc ça rapporte de prendre son pied et d’associer deux passions : la photo et la musique. Et c’est déjà pas mal !!!
Qu’est-ce qui m’énerve profondément pendant les concerts (et dans la vie) ?
Bon, vu que ça fait déjà des tonnes de mots que je monopolise votre temps de cerveau disponible, je vais vous épargner une grosse partie de ce qui m’énerve dans la vie (car accessoirement ce ne serait pas le sujet), pour me concentrer sur ce qui m’énerve dans la vie quand je suis en mode photo de concert pour DV.
Tout d’abord, il y a le public bien sûr… et pourquoi le public me direz-vous ? Parce le public est un c.n et que plus il est nombreux, plus il est un c.n. Dans cette société de consommation, il n’est pas rare pour les groupes connus d’entendre le public demander des chansons aux artistes, comme si ledit public était dans son salon en train de zapper sur sa chaine HiFi… Ben je dis non et je m’insurge profondément, ça me donnerait parfois même des envies de clouer des gens sur des portes de grange (la tête en bas). Le corollaire de ce comportement peu respectueux du public est que beaucoup font des photos et des vidéos de concert, encore une fois sans aucune forme de respect de l’artiste (rafale, flash, la totale…), et tout ça pour quoi me direz-vous (oui, car vous n’êtes pas encore mort d’étouffement verbal) ? Avoir une pauvre vidéo pourrie avec le son saturé d’un concert, pouvoir la mettre sur Utoube ou pire, sur Face de Bouc, et pouvoir dire, parfois en temps réel, « j’y étais »… super. Profiter des choses c’est quand même les vivre pleinement, et pas par procuration du nombre de « j’aime » sur un réseau social… Donc ça, ça m’énerve, mais il y a quelque chose, qui n’est pas complètement isolé de ce qui précède, et qui m’énerve encore plus…
Alors le gars là, celui qui faisait une vidéo avec son compact au milieu de la fosse pendant le concert, ben des fois, il vient te voir à la fin du concert, parce que toi tu as l’air pro avec ton gros zoom dehors. Alors, t’as beau lui dire que toi tu fais ça bénévolement, que t’es pas pro tout ça, lui il insiste le bougre, pour te montrer ses photos mal cadrées qu’il trouve trop classe de la boule, qu’il retouchera sans doute sur Instagroum, et qu’il postera sur Face de Bouc en se prenant pour une grande star et en disant qu’il a parlé avec un pro (oui oui toi…). Pire, le bougre est capable de te faire des leçons de photographie, que lui, il a des milliards de pixels dans sa boite (mais bon, quand tu lui dis que c’est sur un tout petit capteur, il comprend pas) et qu’avec son compact il peut faire aussi bien que toi… Bon, OK, et là tu t’en vas te bière-suicider au bar parce que tu n’en peux plus.
Conclusion
La conclusion de cette énorme et interminable logorrhée, c’est que je crois profondément qu’il faut se faire plaisir, et que la photo de concert est un super moyen de le faire sans se prendre la tête. C’est aussi une super école de photo, parce qu’il y a très peu d’artifices, qu’on doit travailler vite, bien (si possible) et dans des conditions lumineuses et humaines (!) parfois difficiles, tout en restant créatif. Cet ensemble nécessite une bonne maîtrise de son matos, qu’il coûte 12000 brousoufs ou 3.50€ à tatatouine-les-bas-prix, et une bonne réactivité pour capter les expressions les plus fortes de nos artistes préférés… Le reste, c’est que du bonheur.
PS 1 : Vous aurez remarqué que j’ai subtilement inséré mes photos dans ce magnifique texte… Je sais c’est de la pub même pas déguisée, mais je les aime bien et comme je suis sympa, je vous ai mis les exifs en titre, histoire que vous progressiez un peu :). Une subtilité de truite, j’admets.
PS 2 : Un grand merci aux relecteurs et -trices de DV pour être arrivé(e)s au bout de l’article le plus long de l’univers et à Isa pour tout son travail de contact chez DV, vous pouvez lui envoyer des pin’s de Saez, elle sera contente :).
8 commentaires
J’ai tellement ri… Merci Yoan ! (j’ai aussi appris des trucs ^^)
@ Alex : Ouep il m’a semblé que tu avais pas bien compris mon propos. C’est pour ces problème d’éclairage que j’ai décider de toujours shooter en RAW. Ça me laisse le choix de l’atmosphère et des couleurs en post-prod.
@Gabriel (bis): Oups je viens de relire désolé j’avais compris le contraire 🙂
Bon j’arrête de spammer ^^
@ Gabriel :
Si ça peut te rassurer, la balance des blancs en condition de concert on s’en fout royalement pour deux raisons :
– Je ne connais pas de boitier qui ait une véritable balance des blancs sur le capteur lui même (du genre les photocites bleus seraient + exposés que les rouges en fonction du réglage). Donc à partir du moment où t’exportes en RAW, la balance des blancs ne sert à rien. Si tu fais du jpg, par contre, il faut un minimum de réglages car c’est irrécupérable à la retouche.
– En concert, vu l’éclairage froufrou multicolor dans tous les sens, et vu que le régisseur lumière n’est pas censé servir d’assistant au photographe, il y a de fortes chances qu’aucune balance des blancs ne fonctionnent. Et dans le pire des cas (ex: la salle de l’Internationale, à Paris), t’auras un éclairage rouge fixe bien violent, et là c’est le drame, aucun moyen de récupérer de vraies couleurs étant donné que la lumière réfléchie sera rouge quel que soit la couleur naturelle du sujet 🙁
Alex
Intéressant ! ça ouvre plusieurs sujets connexes à la photo et au monde du spectacle vivant 🙂
Voici mon « bref » grain de sel !
La première chose à savoir, c’est que même si on sort d’une formation de photographe comme Louis Lumière par exemple, il ne faut pas espérer vivre de la photo de concert, pour plusieurs raisons :
– La photo étant avant tout une passion pour de nombreuses personnes (moi compris), les producteurs d’évènements n’ont qu’à se baisser pour ramasser gratuitement des photos de concert de + ou – bonne qualité, qui de toute façon seront diffusés sur le web en basse qualité. Celui qui compte faire payer ses services n’a alors aucune chance de trouver un client.
– Malgré la crise, de nombreuses personnes ont les moyens d’investir dans un bon boitier
– Il est désormais très simple de se former à la technique sur internet
(Si la photo est votre dada et que vous voulez toucher mieux qu’un SMIC, autant chercher sérieusement des offres d’emplois pour faire du pack shot pour des marques de vêtements ou de parfums, ou faire du suivi de chantier, mais c’est moins ragoutant…)
Bref, en concert oui, on se retrouve parfois dans des situations qui frôlent l’irrespect de l’artiste, pendant un morceau calme piano/voix, couvert par les bruit incessant des clics de photographes amateurs en première ligne de la fosse. La discression est pourtant une des premières choses à apprendre !
Côté matos :
Optiques : je suis pour les focales fixes mais j’ai aussi des zooms. Elles focales fixes sont de bien meilleure qualité que les zooms à coût égal (car plus simple à fabriquer), et elles obligent à être mobile, trouver des angles différents, ce que je trouve plus intéressant que de rester planté à un seul endroit. Mon caillou préféré est un Nikon 85mm à 1.4. J’utilise aussi un 24-70 à ouverture constante (2.8).
Capteur : Avoir le plus de megapixels ne sert à rien (on n’est pas là pour tirer un portrait sur une pancarte au format A0). En condition de faible éclairage, il faut privilégier de gros photocites. J’ai opté pour un capteur de 12 millions de pixels seulement, en Full Frame 24×36, qui permet d’avoir un grain naturel en faible lumière.
Le post-traitement/la retouche : Et bien là, au risque d’attirer les foudres, je dirais que la retouche est EVIDEMMENT essentielle, à moins que vous n’ayez trouvé le moyen d’arracher l’oeil de votre voisin pour vous en servir comme appareil photo. Que vous ayez un capteur CMOS ou CCD ou triple CCD, c’est du pipi de chat à côté de l’oeil humain, le meilleur capteur au monde. Chercher un rendu naturel, c’est à dire reproduire au mieux la scène telle qu’on l’a ressentie sur le moment, c’est un non-sens car l’outil avec lequel on fixe la scène est très TRES limité par rapport à un oeil et surtout par rapport au cerveau. Pour représenter l’émotion du moment, on est obligé pallier aux défauts des appareils photos en renforçant/modifiant certains aspects.
Je comprends les puristes, mais j’ai l’impression qu’on confond « photo naturelle » et « rendu argentique ». Dans tous les cas, l’important c’est le sujet et l’émotion, et la technique doit rester à leur service et ne pas être une fin en soi.
De la même manière qu’on entend non pas avec les oreilles mais avec le cerveau, ce qu’on perçoit avec l’oeil est non seulement de l’information, mais aussi de la non information, de l’abstraction. En musique comme en photo, l’analogique (ou argentique) tord le signal, le numérique le casse, c’est pour ça que les puristes préfèraient le « naturel » de l’analogique, mais on sait désormais faire mentir cette règle.
Concernant la musique en elle-même, et le spectacle vivant :
Pendant longtemps (étant musicien avant tout), j’ai été adepte de « la musique pour la musique! On n’est pas là pour jouer les blaireaux en sautant partout, rien à foutre des paillettes et de faire danser le public! ». Mais force est de constater qu’un spectacle, c’est avant tout un échange entre un public et des acteurs, et depuis les Pink Floyd ou Genesis (avec Peter Gabriel), on a compris que l’éclairage et la mise en scène étaient essentiels pour atteindre les esprits plus facilement. Demander une chanson n’est pas un signe d’irrespect, ça doit au contraire un signe que le public aime ce qu’on fait, et ça doit être encourageant.
Et puis il y a public et public. Si on veut toucher la masse, il faut s’attendre à être jetable, se retrouver face à des consommateurs bien dressés, à qui on a appris à renouveler leur stock d’émotion régulièrement, où le durable est has been, et pour cela il faut remercier ces grands manitous qui pensent avoir tout compris, les « dénicheurs de tube », ces espèces de dinosaures de l’industrie musicale qui savent si un morceau marchera ou non en écoutant 15 secondes. Pour eux, un morceau est un produit, et leur métier c’est de vendre, construire de l’émotion pré-fabriquée. Et ça fonctionne. Tant mieux pour eux, et tant pis pour les gens qui gobent tout ce qu’on leur vomit chaque jour sur les mass media.
Libre à chacun de se contenter de la facilité, ou bien d’être curieux et laisser sa chance aux groupes indépendants.
Pour terminer sur la photo de concert, les conditions peuvent paraître difficiles car il y a peu de lumière, on est bousculés, etc. Mais le moteur étant l’émotion, et un concert étant le vecteur d’une explosion d’émotions, il y a peu de domaines où l’on peut aussi facilement capter l’instant et obtenir de bons résultats, une fois la barrière technique passée.
Il faut se faire plaisir c’est certain. Et le plaisir disparait et qu’on rentre dans la mécanique « photo de concert » = « photo de mariage », il faut peut-être explorer d’autres voies 🙂
De rien.
J’utilise surtout le Raw pour ne plus avoir à me soucier de tous les réglages chiants sur le boitier (balance des blancs, gestion des profils de couleurs, noir et blanc, renforcement de l’image, contrastes).
C’est plaisant de te dire que tu risques pas de foirer une photo à cause d’une balance des blanc mal réglée (ce qui peut être dur à ajuster parfois) et de pouvoir complètement changer l’ambiance d’un cliché en changeant facilement les teintes sans rien dégrader.
Bon, hé ben, j’ai juste envie de dire merci quoi… 🙂
Allez, non j’en rajoute un peu : étant un vieux de la vieille (presque 10 ans de diapos ça marche), je ne fais pas de raw, sans doute à tort, mais surtout parce que je ne sais pas faire (et que ça prend trop de temps). Je réglerais sans doute quelques menus problèmes avec ça, mais je reporte toujours à demain 🙂
Merci encore pour ton commentaire !
Ah j’adore l’article !
A titre personnel il y a très peu de chose qui m’énerve quand je couvre un concert. Je suis dans ma bulle, les gens peuvent brailler, m’invectiver ou m’insulter j’en ai un peu rien à foutre 😛 (et ça arrive rarement). A chaque fois que j’ai eu une accréditation (avec DV ou autre) j’étais derrière les crash-barrières, donc pas trop embêté par le public. Ensuite une fois dans la fosse (après les 3 premières chansons donc…) sur certains concerts ça m’est arrivé de continuer à shooter et les gens étaient plutôt sympa et accommodant. Quand je le fais j’essaye de gêner le moins possible le public qui lui a payer sa place, mais certains me propose carrément de passer devant eux pour faire mes photos !
Sur le matos tu as raison c’est très très personnel mais il y a un point sur lequel tous les photographes de concert se rejoignent c’est le 70-200mm f4 (minimum et 2.8 dans l’idéal). C’est vraiment un outil idéal pour le portrait en concert, surtout sur un capteur APS-C qui te donne au final un 300mm.
Sinon au niveau de la retouche là je dois dire qu’aujourd’hui, qu’on soit pour ou contre, on est au moins obligé de passer par un logiciel de « développement » numérique pour convertir les fichiers RAW en JPG. A partir de là j’en profite toujours pour au moins ajuster ma balance des blancs (qui est sur auto en permanence, on s’en fout c’est du RAW ! ) et pour faire un petit recadrage si besoin. J’ajuste aussi le filtre anti-bruit et le renforcement qui, par défaut, ne sont pas optimum. Il peut aussi m’arriver de gommer quelques éléments parasites avec photoshop, mais là faut pas faire n’importe quoi, le but étant que la retouche ne se voit pas, ça peut vite devenir un enfer.
En tout cas c’était un bon article, agréable à lire, je me suis retrouvé dedans ;-).