La fête de l’Humanité est un festival assez différent des autres. Si au Rock en Seine ou aux Solidays, la musique est au 1er plan, ici c’est le propos politique qui est mis à l’honneur. La musique, même si elle a une grande place (scène immense, écrans géants, qualité sonore), garde une position de faire-valoir. On est donc au cœur des forces et des contradictions qui peuplent la musique dîte « engagée ». Les forces résident principalement dans la profondeur du propos. La plupart des artistes ont un discours lourd de sens, qui traduit une vision du monde qu’ils espèrent plus uni, plus respectueux des peuples, et qui fait écho à leurs préoccupations personnelles. Une des contradictions se traduit, chez certains artistes, par leur difficulté à se reconnaître dans la position politique proposée par le festival. Ainsi Ayo pourra dire face à la foule « Je ne crois plus en la politique ». Il apparaît parfois difficile d’être profondément engagé tout en gardant son intégrité et son autonomie dans la création. Pour cette 79ème édition, les quelques artistes qu’on a pu voir ont montré que cela restait possible.
Arrivée un peu tard, j’ai loupé les Temples sur la grande scène, je profite du changement de plateau pour observer les alentours en attendant Alpha Blondie. C’est le moment de donner quelques infos aux novices de la fête de l’Huma. Tout d’abord, il faut prévoir le temps de trajet. Que ce soit par la ligne B du RER ou par le métro ligne 7, il faut s’attendre à une bonne randonnée à pied ou une longue attente aux navettes de bus. Arrivé au festival, on se rend compte que la grande scène, ainsi que les trois scènes plus alternatives, sont au fond du parc Georges Valbon. Il faut donc compter un bon quart d’heure de marche rapide à travers la foule pour accéder aux concerts. Pour se repérer on peut se fier aux panneaux, les indications sont nombreuses et claires. Ceux qui voudraient avoir leur propre plan sont invités à acheter le programme du festival. J’ai choisi les panneaux. Le parcours pour accéder aux scènes est plutôt sympa. Les stands culinaires sont variés et donnent vraiment l’eau à la bouche. On trouve la cuisine de toutes les régions françaises, mais aussi d’Afrique noire et du Maghreb en passant par l’Amérique Latine. On passe devant une foule d’autres stands qui donnent à l’ensemble des allures de fête foraine. Il y a également les espaces politiques où se déroulent des débats. Un point négatif est la gestion des déchets. Aucune poubelle en vue ! Chaque poteau sert de dépotoir et le samedi soir les allées ressemblaient à une décharge. Dommage.
Pour ce qui est de la musique, si elle est là pour illustrer un propos, les organisateurs n’ont pas lésiné sur les moyens. Trois espaces lui sont consacrés : la grande scène que se partagent les têtes d’affiche, la scène Jazz’Hum’Ah orientée vers des artistes jazz et la scène Zebrock qui présente des artistes alternatifs tels que CongopunQ ou encore Nevche. Sur la grande scène deux écrans géants encadrent l’espace scénique et un troisième est placé juste en face pour permettre aux spectateurs les plus éloignés de profiter d’une prestation de qualité. C’est un peu étrange d’avoir mis cet écran là car ceux qui se retrouvent devant n’ont aucune possibilité de voir le spectacle de loin. Le son est quant à lui de très bonne qualité, pas d’aigus insupportables ni de basses trop secouantes. Les différentes prestations bénéficient de jeux de lumières de qualité, accompagné pour certains artistes de projections vidéos assez époustouflantes (surtout Massive Attack, IAM et Scorpions)
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C’est donc tranquillement installée sur la pelouse de la grande scène que j’ai pu assister à la prestation d’Alpha Blondie ce vendredi vers 20h30. L’artiste ivoirien est immense et se pointe affublé d’une sorte de redingote bleue fluo brillante. La tête est ornée d’une casquette noire, les pieds dans des baskets confortables. La voix est douce et ferme, convaincue et convaincante. Les choristes sont excellentes. La présence de cuivres sur scène donne de la profondeur au son. On savoure de gros solos de guitare au cœur d’une mélodie reggae à l’ancienne. Le chanteur ondule tranquillement au rythme cadencé de sa musique. L’atmosphère est planante, nonchalante. Il prend plusieurs fois la parole et invite notamment à la reprise des négociations entre Israël et la Palestine, ainsi qu’à l’apaisement des conflits en Syrie et en Irak. La star du reggae ivoirien nous a offert une jolie prestation, un peu attendue mais positive pour sa première fois au festival.
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Massive Attack lui succède vers 22h. La prestation est époustouflante de bout en bout. Les animations vidéo scotchent le public pendant tout le concert. Concernant le son, on retrouve de grosses basses bien gérées, pas trop envahissantes mais bien présentes. Robert del Naja alias 3D est entourée de synthés et de machines, tel un androïde marionnettiste qui contrôlerait chaque élément sonore. Les effets sur la guitare rendent le son complet et rond et apportent une dimension psychédélique et planante. Le morceau Paradise Circus est excellent, illuminé par une chanteuse lunaire. Horace Andy, chanteur reggae présent sur plusieurs des albums du groupe, lance sa voix traînante sur Angel accompagné par un torrent de machines. Les écrans diffusent des logos de grandes multinationales entrecoupés de symboles communistes, puis mettent en parallèle les déclarations de Bush sur la guerre en Irak et celles d’Obama sur la Syrie. L’intro orientale d’Inertia Creeps retenti et Tricky nous offre un chant sépulcral pendant que défilent sut l’ecran des phrases en rouge ou en vert reprenant les derniers titres chocs de la presse française. La prestation est impressionante par l’atmosphère lourde et profonde qu’elle a transmise ce soir. Je suis ravie d’avoir assisté à ça.
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Le lendemain, j’arrive du côté de la grande scène vers 16h30 pour attendre la belle Ayo. La chanteuse d’origine allemande salue le public dans un français quasi parfait, presque sans accent. Elle nous donne à entendre un mélange de soul, de folk et de reggae apaisé et solaire. La prestation est assez militante. Elle s’autorise à dénoncer la politique de guerre des États-Unis. Elle a ramené des cuivres sur scène, ce qui donne une chaleur toute particulière à l’instrumentation. On saluera un Down on my knees magnifique, repris en chœur par la foule. Elle jouera avec son public et en profitera pour évoquer ses positions féministes. Pour la chanson Girls elle propose aux filles de reprendre avec elles les « Girls, girls, girls » et aux garçons « Boys, boys, boys ». Ses musiciens la taquinent et soutiennent la partie masculine des spectateurs. L’ambiance est à la rigolade. Il est un peu difficile de reprendre la suite du concert et ne sachant pas trop quoi faire, elle propose au public de choisir entre une chanson dansante ou posée. La foule choisit de danser et Ayo nous envoie un Slow Slow bien dynamique. Elle enchaine chant ragga et passage rappé sur Fire. Elle dédicace la chanson Mother aux mères qui ont perdu leur enfant, évoque la tuerie de Fergusson et dénonce la vente d’armes au États-Unis. Une prestation joyeuse mais engagée alliant divertissement et sensibilisation.
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On reste dans l’engagement pour le Concert pour la Palestine. Proposé par un collectif formé à Gaza, le groupe rassemble Kery James, Médine, HK & les saltimbanks et le collectif Gaza team. Qu’on soit d’accord ou pas avec les propos, on saluera le magnifique mélange des langues française et arabe dans des raps très mélodiques. Les textes sont poignants et forts, ils sont orientés vers des idées de solidarité envers le peuple palestinien et une condamnation féroce des actions de l’état d’Israël. Le flow des différents rappeurs est tour à tour rageur et doux, mélancolique ou enjoué. Les instruments traditionnels donnent une tonalité orientale à la musique, qui amène le spectateur à voyager au fil des morceaux. Les violons associés aux guitares sont particulièrement beaux, l’ambiance se fait joyeuse et dansante sur On lâche rien. On peut voir Médine, vêtu de blanc, tourner sur lui-même a la manière des derviches. Ça sentirait presque l’innocence et l’utopie. La couleur sonore oscille entre raï, rap et musique du monde. Le discours reste très très militant entre chaque morceau, ce qui peut éloigner une partie du public, malgré la qualité de la prestation musicale.
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Peu avant 20h, la foule du festival se dirige, comme un seul homme, vers la grande scène. Les quelques sceptiques qui restaient scotchés aux stands tournent la tête vers la scène pour l’arrivée du groupe IAM. La prestation est assez émouvante. Le groupe présente une succession de leurs plus grands tubes devant un public qui démarre les chansons avant les artistes. Shurik’n capte l’attention avec Samuraï, puis le groupe enchaîne avec Nés sous la même étoile et L’empire du côté obscur pour lequel chacun des rappeurs du groupe arbore fièrement un sabre laser rouge. L’atmosphère devient nonchalante pour Bad boys de Marseille suivie de Un bon son brut pour les truands. Les vidéos soulignent la force de chaque chanson, le crew démontre une très bonne dynamique de groupe, avec une répartition assez équilibrée de la présence vocale de chacun sur les différents morceaux. Le DJ est encerclé par ses machines et envoie un son de qualité. On apprécie particulièrement la profondeur de morceaux comme Demain c’est loin ou encore Quand tu allais, on revenait. Petit Frère rend la foule complètement hystérique et ils enfoncent le clou avec Je danse le Mia qui met tout le monde d’accord. Akhenaton est presque étonné par la ferveur des spectateurs, surtout en Seine-Saint-Denis, fief incontesté de leurs rivaux d’NTM. IAM nous a offert une belle prestation, à l’ancienne, et a démontré ainsi son statut de vieux routards du rap français.
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Le lien entre IAM et Scorpions n’est pas forcément évident au premier abord mais la Fête de l’Huma l’a fait. Les seniors du hard-rock débarquent donc sur la grande scène à 22h tout de cuir vêtus. Ils ont ramené leur artillerie de guitares en flying-V (en forme de V très en vogue chez les métalleux dans les années 80), de paillettes et de franges. Le groupe a un côté un peu kitsch et démodé mais délivre une prestation millimétrée et relativement efficace. Les articulations sont un peu rouillées, l’énergie n’est pas aussi présente que le nécessiterait leur musique, mais on retrouve les bonnes vieilles recettes qui font un bon show de hard-rock. Le batteur est surélevé par rapport à la scène, mais les autres musiciens peuvent le rejoindre sur son estrade et en profitent. La prestation n’est pas avare de moyens pyrotechniques et on peut admirer un mini feu d’artifice et de grandes lancées de flammes. Les éclairages et les vidéos sont excellents. Le chanteur Klaus Meine est un peu fatigué mais les guitares sont bien présentes et les jeux de scène amusent autant le public que le groupe lui-même. Les morceaux No One Like You et You Rock Like a Hurricane sont efficaces et font plaisir à voir. Un concert sympathique même si un peu tranquille.
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La fête de l’Humanité est un festival à part, plein de contradictions et de bonnes surprises. L’ambiance des guinguettes qui peuplent le chemin du retour s’échauffe durant la soirée et donne lieu à de jolis moment de rigolade et de danse. C’est un festival dans lequel je reviendrais surement mais peut-être plus pour y découvrir des groupes sur les scène Jazz’Hum »Ah et Zebrock que sur la grande scène. L’atmosphère si particulière de ce festival est à expérimenter au moins une fois dans sa vie, histoire de s’en faire une idée.