Le samedi 26 septembre 2015, les petits gars de FAUVE ont donné le dernier concert d’une longue série au Bataclan, « à la maison » comme ils l’appellent. Pour fêter cette page qui se tourne, il est grand temps de vous livrer une de leurs dernières interviews avant une pause dont on ne connait encore ni l’issue, ni la durée. On les rencontre dans l’espace Médias du festival Rock en Seine. Il est dix-huit heures, et ce vendredi 28 août 2015, on découvre une bande de potes, avec les deux pieds bien ancrés dans le sol, assez lucides sur leur musique et ce qu’ils en attendent.
FAUVE ce ne sont finalement que quelques copains qui ont décidé de vivre leur rêve entre eux et de le partager avec ceux qui seraient touchés par leur musique. Ils nous parlent du Szigets (un des plus gros festivals européens qui se déroule en Hongrie), auquel ils ont participé le dimanche 16 août 2015. Ils ont été un peu désarçonnés par la taille et l’organisation du festival : « Nous on a trouvé l’ambiance hyper cool, on a eu la chance de jouer devant un autre public. Des gens qui venaient d’autres pays d’Europe, et ils ont quand même suivi le truc. » C’est la première fois qu’ils jouent aussi loin de chez eux. Vingt minutes avant leur concert, ce sont à peine quatre-vingt personnes qui attendent sous le chapiteau. Mais plus le temps passe, plus la foule s’agrandit, et c’est au son de la Marseillaise chantée par un public qui tient des drapeaux français qu’il vont commencer leur set. Ils retiennent de leur expérience hongroise « une sorte d’anarchie faite exprès« . Comparée au Szigets, l’organisation du Rock en Seine leur parait assez confortable, tant du côté de l’accueil des groupes, qu’au niveau des roulements pour la préparation des concerts. Ils nous racontent ce vigile du Szigest qui leur bloque l’entrée juste avant les balances, pour une sombre histoire de badge. Pourtant, ils ont pas mal bougé ces derniers temps, entre la tournée française, une escale à la Réunion et un voyage au Québec, FAUVE a vu du pays.
Malgré tout ils ne sont pas vraiment convaincus par le fait de faire le tour du monde pour promouvoir leur musique. « Est-ce que c’est vraiment intéressant d’aller en Amérique du Sud et de faire cinq dates ? » FAUVE accorde de l’importance à son public, un public attiré principalement par des textes écrits en français, dans une langue pas toujours traduisible. « On avait pas forcément l’ambition de faire une tournée internationale« . Pour l’anecdote, ils avaient rencontré le chanteur du groupe Breton, et le contact est tellement bien passé qu’un projet de tournée anglaise avait été lancé, moitié en l’air, moitié sérieusement. « Ça nous faisait marrer d’aller en Angleterre, mais moi je trouve ça plus marrant d’aller à Dijon que d’aller en Angleterre en vrai. […] T’as l’impression de redécouvrir ton pays, ce qui est vachement agréable« . Pas de pression donc autour d’une tournée internationale ou d’une potentielle conquête des autres pays.
Et l’Afrique francophone dans tout ça ? « Toutes les dates ont un coût, on est une grosse équipe, faire bouger tout le monde, le matos et tout, pour pouvoir présenter le projet bien, sur un one shot… Typiquement sur les dates à Montréal ça se passe bien à chaque fois parce que les Francofolies c’est hyper bien organisé. Ils ont l’habitude de faire ça, de recevoir des groupes. On a une équipe réduite, le show est un petit peu amputé, mais ça fait plaisir d’aller jouer là-bas, parce qu’à Montréal il y a quelques chose qui s’est fait mais faire une tournée avec un show réduit, c’est pas comme ça qu’on voudrait présenter le projet« . Une tournée oui, mais avec la qualité s’il-vous-plait. Des dates, ils en ont fait près de trois cents, et l’enjeu reste pour eux de conserver le plaisir de la scène. Ils doutent un peu de l’accueil du public ailleurs. On sent qu’ils fatiguent, ils n’ont pas envie de courir après un public pour être absolument écoutés. Finalement ils aiment quand ça se passe bien, entre potes.
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Les petits gars de FAUVE n’étaient pas des gros fans de festivals quand ils étaient jeunes. Mais là encore, le collectif signe la réunion des différences. Si certains ne sont pas tellement festoches, d’autres « passent leur vie à se pisser dessus et boire des bières« . Aucun nom ne sera révélé. Ils connaissaient certains festivals en tant que spectateurs, mais ils en ont découvert beaucoup sur scène. S’ils n’ont jamais planté leur tente une semaine au Szigets, ils ont découvert Paimpol et Dour et ont trouvé ça génial. Ils avouent eux-mêmes ne pas être de grands spectateurs de concerts.
FAUVE, ce ne sont pas des spécialistes de musique. Ils n’en écoutent pas tant que ça, mais restent passionnés par la dimension instrumentale. « On est fascinés par les prods de hip-hop« . Leurs influences sont multiples, certains dans le groupe sont fans de musique, pour l’un d’eux c’est Blink 182 qui a été le déclic. Ils se considèrent comme des bricoleurs : « C’est une envie plus qu’un talent« . On sent chez FAUVE une nécessité de faire ce qu’ils font, un besoin presque vital de lâcher leur musique, « Même si c’est mal fait au moins c’est fait […] ça a un côté branquignole, mais branquignole sincère, branquignole motivé« .
Quand on leur demande le style de musique qu’ils auraient envie d’explorer, un mot surgit tout de suite : » Techno« . De leur propre aveu, ce n’est pas l’électro qui les attire mais la bonne vieille techno « boum boum« . Ils se disent fiers de ce qu’ils ont réussi à faire avec FAUVE, mais n’ont pas forcément envie de donner une nouvelle forme à tout ça, tout de suite. Ils imaginent d’autres projets, pas forcément avec FAUVE. « Le prochain album qu’on va faire c’est pas FAUVE en techno. Dans notre réflexion, on se dit pas : Qu’est-ce qu’on a pas encore exploré ? Est-ce qu’on ira avec FAUVE là-dedans ? On se dit plus : Ah ouais, en ce moment on adore faire de la techno, donc du coup on va en faire. Mais on va pas ce dire : Est-ce que ça va être utile à FAUVE ? » Leur principal besoin c’est de faire des choses ensemble, que ce soit des petits projets ou des plus grands. Ils ont eu des projets avant FAUVE et en imaginent d’autres après, avec une évidence désarmante. FAUVE, comme ils l’ont dit à plusieurs reprises, c’est de l’ordre de la catharsis. « À un moment donné, ta thérapie se finit, ton analyse se finit, c’est pas pour ça que t’arrête de parler« . FAUVE pour eux c’est une étape : « Une séquence dans une autre séquence plus grande, un chapitre d’un bouquin« . Ils sont conscients du hasard qui les a amenés là, du plaisir qu’ils ont à faire des choses ensemble, que ça marche ou pas. Le FAUVE tombe alors le masque et on aperçoit sous le costume, les gens qui animaient la marionnette. Si le costume change on retrouvera sans doute l’équipe (ou quelques-uns d’entre eux au moins). Ne pas compter sur le FAUVE tout seul.
« Tout ce qu’on avait à dire, ce qu’on a besoin de dire, on l’a dit. Et on l’aurait dit quand même parce qu’en plus on a pas besoin de moyens énormes […] FAUVE c’est juste le véhicule du moment, c’est juste un moyen« . Dès que le truc à commencé à marcher, ils ont pensé à la suite. FAUVE, c’est leur animal de compagnie, ils lui sont loyaux mais n’en dépendent pas. Ils ne voulaient pas construire une multinationale rentable sur quinze à vingt ans. « Si on se considérait comme des musiciens on aurait rapidement l’impression d’être des imposteurs« . FAUVE c’est un « exultoire » avec un « L » comme dans exulter. Il faut savoir que FAUVE s’est construit à partir de l’investissement des membres du groupe. Ils ont mis leurs propres billes dans le projet. Ils ont choisis leurs contraintes. Les plannings de tournée, les concerts, ces contraintes-là, pour eux, c’est une manière d’être le plus libres possible. Ils se sont donné comme mot d’ordre de n’accepter que des projets en lesquels ils croyaient.
La série de concerts au Bataclan a été sciemment choisie, et même s’ils se sont interrogés sur leur capacité physique à les tenir, ils étaient heureux de les faire, et avaient hâte de se lancer dans l’aventure. « On part aussi du principe que tout ce qui est commencé doit être fini« . Ils ont enlevé la contrainte financière, sans maison de disques, juste avec leurs thunes. FAUVE pour eux, c’est une sorte de « partie de Monopoly avec les copains. Et là on en a un peu marre donc on dit c’est le dernier tour« .
Avant la tournée des grandes salles, ils avaient envisagé d’avoir leur propre chapiteau et de choisir leur propre rythme. Finalement l’idée est abandonnée car difficilement gérable. Les disques, ils ont choisi de les faire en-dessous du prix du marché, ils avouent rigoler entre eux du manque à gagner qu’ils calculent aujourd’hui. FAUVE, c’est aussi une certaine éthique. Ils ont refusé le Grand Journal parce que ce n’était pas leur crédo, ils ont pu se défendre contre le fait de montrer leur visage face au photographe de Libé. Ils se sont battus pour garder leur ligne directrice.
FAUVE a grandi par le bouche-à-oreille, pas par les médias et les circuits traditionnels. Ils ne se rendent pas forcément compte de la façon dont ils sont reçus dans la presse. Par contre, quand ils discutent avec leur public, à la fin des concerts, ils prennent un peu la mesure de ce qui se passe autour d’eux. « Nous on est tout le temps là à se balader, à boire des coups […] t’as toujours des discussions interminables, avec des mecs qui sont plus âgés que toi et qui disent merci« . Pour les gars de FAUVE, il y a les vrais groupes de rock qui ont toujours voulu faire ça, et puis eux, qui sont là un peu par hasard. Certains membres du groupe, il y a encore trois ans, allaient au boulot en costume. Ils reconnaissent la chance qu’ils ont eu de tomber sur les bonnes personnes, c’est aussi ça qui les a motivés à garder leur ligne de conduite et poursuivre l’aventure.
Ils ont peu de regrets, ils croient en leurs actes manqués. Ils tenaient au fait de ne pas montrer leur visage et ont écrit une lettre à tous les journalistes et photographes pour défendre leur point de vue. Ils ne s’attendaient pas à ce qu’elle suscite une telle polémique autour du groupe. Malgré tout, ils ont gardé leur éthique et ont continué leur petit chemin armés de leurs idéaux. « S’il y a un truc qu’on déteste faire, même si on le fait quand même, c’est de se justifier. C’est comme un mec qui fait un coming-out et qui doit se justifier à chaque : pourquoi t’es PD ?« .
Ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient défendre le fait de ne pas montrer leur visage : « Au lycée on a toujours été, pas des bolosses, mais des mecs un peu transparents, on a toujours été comme ça et tant mieux« . Ils ont grandi comme ça, pas vraiment sous le feu des projecteurs. À la sortie du premier EP, il y a eu un engouement des maisons de disques et beaucoup voulaient les rencontrer. Ils ont fait des interviews et ont annoncé la sortie de leur EP. Alors est arrivé ce qu’ils appellent : « le grand n’importe quoi« , dont des sommes ahurissantes. Eux à l’époque vivaient avec des comptes à découvert, ils ont commencé à flipper, ils racontent un « chaos technique de tout le monde« . Ils ont fermé les vannes, à double tour, plus aucune interview. L’EP était leur carte de visite et ils ne voulaient pas le « flinguer dans l’œuf« . Ils ont dit non à tout le monde, ils ne voulaient pas avoir de comptes à rendre à qui que ce soit en dehors de leur public. Un de leur principal soutien a été leur tourneur, qui « n’a jamais flippé, car à côté de ça les salles se remplissaient de ouf« . Ils l’aiment leur tourneur, profondément et sincèrement. Ils en sont fans.
L’éthique ça reste fatiguant parfois, c’est pour ça qu’ils avaient prévu cette pause. Le socle de valeurs communes les soude. Cela n’empêche pas les engueulades, mais favorise les discussions. Ils décrivent relativement peu de tensions, ou des tensions « normales entre potes« . FAUVE ce n’est pas Oasis, ce sont surtout des Vieux Frères. De vieux frères qui partent vacances ensemble, jusqu’à la prochaine étape.
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