Pour ceux qui n’ont pas encore été confronté au phénomène, Aya Nakamura est une artiste d’origine malienne, née en 1995 à Bamako. Elle grandi à Aulnay-sous-Bois et lance un premier titre intitulé Karma en 2014. En 2015, le titre Brisé atteint plus de 10 millions de vues sur YouTube. En 2017 elle sort son premier album, Journal Intime salué par le public autant en France qu’au Mali. Elle persiste et signe en 2018 avec un deuxième opus sobrement intitulé Nakamura.
Entre R’n’B et zouk love, la musique d’Aya Nakamura est efficace, dansante et d’une richesse surprenante. Aux premières écoutes, on est très loin de mon univers musical habituel, et pourtant ça marche. C’est actuel, étonnamment novateur, décomplexé et rempli de liberté. L’artiste se présente avec un personnage de femme forte, fière de sa culture métissée, assumant ses désirs sans ambiguïté. On est là pour danser, bouger (et choper accessoirement). C’est jouissif.
Elle affiche sa personnalité, ses origines, sa féminité et ses formes avec puissance. La musique s’inscrit directement dans l’univers de la pop d’Afrique de l’Ouest, avec des beats électro saccadés, de l’auto-tune, et des arpèges de guitare. On retrouve un hommage à l’artiste malienne Oumou Sangaré sur le premier opus de la jeune femme. Aya Nakamura a d’ailleurs énormément de succès au Mali. Elle a donné plusieurs concerts dans son pays d’origine et travaille en collaboration avec des artistes tels que MHD, Djadju, KeBlack, Gradur et Niska.
Le pseudonyme Nakamura est un hommage à Hiro Nakamura de la série Heroes. L’artiste s’affiche sur les posters de la tournée avec un katana (sabre japonais). Mais le plus intéressant reste son maniement complément décomplexé d’un langage urbain et multiculturel. Aya Nakamura s’affranchit de la grammaire et de la syntaxe pour nous livrer des textes étonnants. On y trouve de l’argot francophone, du bambara (langue du Mali), des anglicismes, du verlan, des phrases en espagnol et pas mal d’onomatopées.
Aya Nakamura convoque trois continents qui se rassemblent dans sa musique. Son succès dépasse la barrière de la langue (France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Roumanie, Suède, Mali…) et des genres. En effet, elle est autant écoutée en soirée à Aubervilliers, qu’au fin fond de la Picardie ou à la Mutinerie (haut lieu queer de la capitale). L’artiste nous emmène dans le quotidien d’une jeune femme qui fume, boit, séduit, remet les choses à plus tard, rêve d’une autre vie. Ses chansons ouvrent à un nouveau militantisme. Une femme noire, d’origine africaine, qui revendique son pouvoir de séduction et sa force avec fierté, c’est ce qu’on trouve de plus antipatriarcat et anticolonialiste à ce jour dans la musique francophone. Aya Nakamura fait la nique à nombre de préjugés, tout en nous faisant danser, et c’est délicieux. Merci.
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