Tout nouvel album de Saez enflamme les internets. Enfin, enflamme « mon » coin d’internet en tout cas. A chaque fois, les fans attendent, espèrent, redoutent ce que va nous présenter Saez, car il faut avouer que le groupe passe son temps à nous prendre à contre-pied. Cette fois-ci, le premier extrait mis en ligne, P’tite Pute, a fait parler de lui à peine publié. Il faut dire que le morceau ne fait pas dans la subtilité, et fatalement, un an après le mouvement #MeToo, ça a du mal à passer.
Sauf qu’il ne faut pas oublier que si Saez excelle dans une chose (pas la communication, non), c’est bien de jouer sur la profondeur des textes. Et tout l’album #humanité est construit comme ça : des textes qui paraissent faciles à la première écoute, et où la gent féminine en prend pour son grade (m’enfin, depuis Putains Vous m’Aurez Plus, on avait vaguement compris quelques trucs). Mais personnellement, j’ai fait le choix de prendre tout ça au millième degré (au moins) et de voir dans les textes une critique contre la société actuelle, où il semblerait que la seule chose qui compte soit de briller sur les réseaux sociaux, ceux-là devenant même l’ascenseur social par excellence. Même si je ne comprends pas la fixette que fait Damien sur le Dom Pérignon (une histoire de rimes, peut-être ?), qui revient dans plusieurs chansons (j’ai jamais aimé le champagne de toute façon), et que son utilisation du franglais et du verlan me hérisse parfois le poil, je dois dire que cet album me semble taillé pour la scène : on revient au rock, et j’aime ça.
Les premières chansons permettent de démarrer l’album en douceur, même si celle-là est trompeuse. Climat et écologie, « lutte des classes », réseaux sociaux… le trio de chansons Humanité, Les Guerres des Mondes et La Mort démarrent calmement, mais montent en puissance rapidement, et donnent leur pleine mesure assez vite. Les violons dans Humanité, le côté « guerre tribale et tambours » dans Les Guerres des Mondes, la voix qui passe d’un souffle à un cri dans La Mort, c’est comme si on prenait le temps au début, mais qu’ensuite l’urgence nous rattrapait. Le cadre est posé, ça va secouer. La suite parait plus légère : J’envoie, P’tite Pute, La Belle au Bois, toutes tournent autour des réseaux sociaux et de leurs dérives. Musicalement, ça bouge beaucoup plus sur ces chansons-là, les styles se mélangent tout au long de l’album : P’tite Pute est plutôt rock, La Belle au Bois est carrément électro, Burqa est punk aussi bien dans les paroles que dans les arrangements (coucou Les Wampas), Elle Aimait se Faire Liker sonne comme du Matmatah époque L’Apologie, L’Attentat rappelle la Mano Negra… on dirait que Saez s’est amusé à essayer un peu tous les styles pour rester insaisissable. Une de mes préférées reste Amour Criminel, à la fois sombre et pesante mais belle, comme un retour en arrière et une suite à l’album Debbie. L’album se finit sur Ma Religieuse, aux paroles à la fois trash et militantes, si on y regarde d’un peu près : « Ma religieuse à moi / Elle met des doigts bien haut / À toutes les soutanes des pouvoirs / Qui voudraient la mettre au fourneau / À tous les apôtres ignorants / Puis à toutes les communautés / Qui voudraient ouais lui faire la peau / Elle gardera le poing levé« . La Femme résistante, dans la continuité de Mon Européenne, sur l’album précédent.
La tournée est annoncée pour novembre 2019, nous verrons bien à ce moment-là si l’album se transcende sur scène comme c’est souvent le cas avec Saez.
Tracklist :
- Humanité
- Les guerres des mondes
- La Mort
- J’envoie
- P’tite pute
- La belle au bois
- Amour criminel
- Elle aimait se faire liker
- L’attentat
- Burqa
- Ma religieuse