En cette période de tournée, Saez a sorti ce 22 novembre 2019 son dernier album intitulé Ni Dieu ni Maître.
Ni Dieu ni Maître est le dernier volet d’une épopée qu’il a décidé d’appeler Le Manifeste et qui a débuté avec l’album L’Oiseau Liberté sorti le 9 décembre 2016. Long chemin et un brin tortueux pour arriver à bâtir la cathédrale qu’il voulait ériger.
Pour tout vous avouer, faisant partie des « manifestants », j’ai pu écouter en intégralité ce petit chapitre final juste deux petits jours en avance sur la sortie officielle du disque.
Ni Dieu ni Maître regroupe plusieurs titres déjà connus comme L’Oiseau Liberté, Je Suis mais aussi P’tite Pute ou encore S’ils ont eu Raison de Nous, titre qu’il avait publié fin 2018 et qui avait provoqué une certaine émotion parmi ceux qui le suivent. À noter que les titres sont répartis en quatre CD, deux pour Humanité, deux pour L’Humain. On aurait pu croire que Damien Saez souhaitait rassembler les morceaux les plus représentatifs de ces trois dernières années, un peu comme un best-of, ses chansons phares à l’instar de Bonnie, qu’il aime vraiment jouer en concert. Mais cela ressemble plus à une chronologie, avec un départ sur le titre Humanité comme un constat et une fin en forme d’introspection avec L’Humaniste.
Avant la sortie officielle, il avait déjà mis en écoute 7 morceaux rassemblés sous le titre Libertaire, pour l’anniversaire du mouvement des Gilets Jaunes. Avec des chansons contestataires dans la lignée de ce qu’il peut dire en concert. Si Manu Dans l’Cul (dont la mélodie fait penser au Petit Ane Gris d’Hugues Auffray) peut paraitre facile, avec des paroles sans doute maladroites, elle n’en reste pas moins très explicite. C’est une chanson qu’on aurait pu nous-même créer sur le vif avec des potes autour d’un feu de camp sur un rond point. Mais Damien Saez est de ceux qui aiment dérouter, car juste à côté on y trouve des titres comme Camarade Président ou Libre (qu’on a pu écouter en avant première au concert de Brest, le 9 novembre dernier). Libertaire fait tantôt dans le poème anarchiste posé au piano, tantôt dans un garage avec sa guitare à cracher avec virulence sur ce que quelques « hauts placés » font vivre à des milliers de citoyens. Mon petit coup de coeur perso ici est Liberté.
Pour petit rappel, cet album devait sortir initialement le 1er février 2019. Les aléas du studio mais aussi l’actualité ont réellement dû avoir raison de cette date. Comme par exemple La Dame en Feu, qui évoque l’incendie de Notre Dame de Paris survenu le 15 avril 2019 et le mouvement des Gilets Jaunes qui a démarré courant novembre 2018. La Dame en Feu, qui bien au delà de l’aspect spirituel qu’elle peut représenter, évoque ce que l’homme peut construire de ses mains, une bâtisse qui aura tout vu et survivra aux humains.
Sur ce nouvel album figurent également les trois titres disponible en écoute depuis octobre (oui, Saez aime bien offrir des mises en bouches, peut-être même un peu trop), Jojo, Mandela et Germaine.
Toutes les trois ont leurs propres univers. Jojo et Germaine divisant beaucoup même parmi les fidèles. Je ne m’étendrais pas là-dessus, sinon qu’il serait bon d’écouter directement Nonne ou Putain et Mohamed avant de se faire des idées toutes faites sur un individu qu’on ne connait pas. Pour le reste, nous avons le droit à réellement 13 nouveaux titres dont une version longue de La Dame en Feu et le Thème d’Introduction à l’Oeuvre.
Chacun de ces titres imposent par l’extrême sensibilité que semble porter chaque jour Damien. Tel le titre La Maria, car il est de celui qui lâche des « putain » dans une envolée de paroles douces et presque amoureuses avec une composition orchestrée. Tellement orchestrée que je suppose qu’ils ont dû la refaire en 1000 prises, jusqu’à ce que ça sonne comme le chef d’orchestre Damien Saez le souhaitait pour la diffusion, à l’instar de Petrushka et du thème. Lors des concerts du Bataclan en 2016, il avait prévenu qu’il y aura du piano. Les nouveaux titres ne mentent pas, le piano reste l’instrument qui lui va le mieux, avec lequel il sait jouer avec nos cordes sensibles.
À l’instar de Châtillon sur Seine sur l’album Messina, il partage encore un peu son intimité avec Mohamed et peut-être également avec Il s’Endort, comme si le temps qui passe et qui emporte les personnes qu’il aime se faisait plus oppressant. Il expose également son amour pour la femme ou plutôt toutes les femmes, en les plaçant au rang de Dieu sur Nonne ou Putain et aussi Ma Populaire, chanson qui débute dans une sorte d’a cappella tout en douceur .
Pour une amoureuse de l’album God Blesse, le titre Petrushka aurait très bien pu s’y trouver, un peu comme St Petersbourg avec son Olga, une Olga à la vie plus « rock’n’roll » et sublimée par les mots de cette chanson et que personnellement j’ai hâte de pouvoir entendre en concert. Est-ce que le groupe arrivera à transformer une salle sans âme en un petit théâtre Bolchoï ?
Saez renoue aussi avec les chansons d’amour avec À tes Côtés et Ma Magnifique. Cette dernière, qui me fait penser à Quai de Seine, un peu comme s’il rêvait de cette magnifique et qu’il n’aspirait qu’à vivre une histoire de cette intensité.
Damien a le don de toucher, parfois on ne sait pas trop comment, aux failles de certains. Et là, ce n’est plus la rédactrice de Désinvolt qui parle mais bien Marine. Car sur Ma Vieille, c’est le départ de ma mamie, d’une mère et d’un père de « substitution » qui m’a élevée et tenté de protéger des effluves d’alcools qui ont tout gâché, ces alcools dont Damien Saez aime s’enivrer en chanson. C’est un deuil qui ne sera jamais fait. Ma Vieille c’est bien plus qu’une « vieille », c’est celle qui peut nous avoir sauvé. Celle pour qui on a mis sa vie en sommeil pour ne pas la laisser tomber quand reléguée à une vieille dame dans sa maison de retraite, elle ne rêvait que d’en finir. Cette mamie qui est partie aux premiers frémissements du Manifeste.
Pour lui (Damien), ce n’est peut-être un hommage à quelqu’un. Pour moi, c’est autant un hommage à la dame que j’évoque ci-dessus, qu’un coup de poignard mêlé à un gros câlin pour mon petit cœur chamallow.
Sur ce je vous laisse à l’écoute de Ni Dieu ni Maître, faites ce que vous voulez de cette chronique, elle est écrite à chaud et je retourne profiter d’encore quelques dates de la tournée actuelle. Et parce que pour moi terminer ce quadruple album par L’Humaniste, c’est un peu comme si Damien nous disait « Hey, les amis je ne vous lâcherai pas ! », j’ai juste envie de lui dire « À bientôt ».
Le petit historique du Manifeste :
9 décembre 2016 : Sortie de l’album L’oiseau liberté
21-22-23 décembre 2016 : Concerts acoustiques au Bataclan
10 mars 2017 : Sortie de l’album Lulu
Tournée du Manifeste : du 7 mars 2017 au 22 avril 2017
30 novembre 2018 : Sortie de l’album #humanité
22 novembre 2019 : Sortie du Manifeste 2016-2019 / Ni Dieu ni Maître
Tournée du Manifeste n°2 : du 9 novembre 2019 au 13 décembre 2019.