Mercredi 4 décembre 2019, le train de 9h57 à destination de St Brieuc va partir. Hier soir, on fêtait ses 20 ans.
Les 20 ans d’un homme qui, petit garçon, a décidé de faire de la musique. Et que la musique serait sa vie, quitte à ce qu’elle le consume. 20 ans que deux amis nommés Damien et Franck vivent leurs rêves de gosse. Hier soir le 3 décembre 2019, c’était le Bercy de Saez, son premier Bercy. Date qui aurait dû être autant symbolique qu’explosive. Ça fait tout drôle de se retrouver là, se dire que le premier concert où je l’ai vu c’était dans feue la salle la Cité à Rennes le 22 novembre 2002.
Cette date fait partie de ce qu’on pourrait appeler la « seconde » tournée du Manifeste. Quasiment trois heures de concert sous le signe de l’émotion. Et il était bien question de tout donner, que ce soit côté public ou côté scène.
En avant-goût, lorsque nous rentrons dans la salle, ce sont divers thèmes composés par l’artiste qui se font entendre, comme La Chute ou encore Regarder les Filles Pleurer (thème). Pour décor, quelques chandeliers un peu partout sur la scène et sur la table posé à côté de la chaise de Damien, qui sera remplacée par un fauteuil bien plus confortable.
Et puis Damien arrive, et observe quelques minutes en silence tous ces gens venus juste pour lui et sa troupe « Tout ça pour moi ? ». Le set débute par une session acoustique. Au programme L’Humaniste, Les enfants paradis, Tango, Putain Vous m’Aurez Plus, Nonne ou Putain. Moment d’intimité avec Damien, qui semble réduire considérablement la taille de cette immense salle.
S’en vient l’arrivée des musiciens pour les classiques « rock » du répertoire, à savoir pêle-mêle Bonnie, Pilule, Marianne, Cigarette, Rue d’la Soif, Fils de France, Burqa. Tout ça joué quasiment d’une traite, l’enthousiasme des musiciens à jouer ensemble faisait plaisir à voir. Il y a aussi eu des moments plus doux, à l’instar de la première partie acoustique, avec Jeunesse Lève-Toi et À ton Nom. C’était sans compter deux titres assez symboliques vis-à-vis du lieu de ce concert : les P’tits Sous et Manu dans l’Cul (le ministère des finances étant juste de l’autre côté de la rue). Il y a une bonne ambiance et ça n’arrête pas de bouger partout durant toute cette partie.
À noter pour la partie acoustique, le grand moment de communion sur Les enfants paradis, car c’est à ce moment-là que nous nous sommes tous assis/accroupis dans la fosse avec des briquets. Je crois que Bercy n’avait pas vu autant de briquets allumés depuis un bon moment. Je suis loin d’être fan des sortes « d’hommages organisés », mais cette façon de dire merci à Damien était belle, sans chichis et touchante.
Autre moment que j’ai pu remarquer : Franck qui sur J’Veux qu’on Baise sur ma Tombe, semblait quelque peu ému, peut-être se rendant compte d’un coup, du chemin parcouru depuis le premier Zénith parisien en 2002.
Alors non, ce n’était pas le meilleur concert de Saez, ni de sa tournée ni de sa carrière, et il est sans doute pour certains difficile à comprendre le manque des nouvelles chansons de Ni Dieu ni Maître (mise à part Nonne ou Putain, qui pourtant était très bien maitrisée pour une première). Seulement, Damien plus qu’obstiné, a maintenu ce concert bien que complètement épuisé. Et ce fort bien, car depuis son fauteuil il a réussi à donner le change et rester actif en puisant toute l’énergie qui pouvait lui rester. J’ose imaginer la déception du bonhomme qui d’habitude exulte lorsque le public pogote de partout, de ne pouvoir très longtemps tenir debout.
Je crois bien qu’il n’aurait pu mener « son » Bercy sans les musiciens qui ont autant donné au public, qu’à Damien afin qu’il ne se concentre que sur sa partie chant-guitare. Car si le corps vacillait, la voix était bien puissante et juste.
Pour le final sur Tu y Crois, je retiendrais Damien qui sans doute à bout de ne pouvoir faire plus, se met dans une sorte de rage pour finir à genoux. Mais cet homme est tenace, et je suis certaine qu’il se relèvera afin de faire de cette soirée, celle qu’il avait imaginée / prévue. Après tout, il n’est pas nécessaire de réserver un Bercy pour qu’il puisse faire ce qu’il veut.
Sur ce report, il n’y a pas de photos. D’une part car les photos de smartphone, c’est vraiment moche, mais aussi par respect pour Damien Saez. Aimerait-il qu’on garde de lui cette image d’un gars complètement cassé ? J’en doute fortement. Je crois que même avec un accès photo, je n’en aurai pas publié.
A l’heure où je finissais d’écrire ce report, mon TGV n’était pas encore passé par Rennes, que vendredi 6 décembre, je reprenais déjà la route pour le concert de Lille le lendemain. Est-ce trop ? Clairement non. À voir Damien Saez se démener lorsque plus rien ne suit en lui que son obstination et sa volonté, chaque concert passé en sa compagnie ne sera jamais de trop.
À Daniel Jamet, à Johann Riche, à Maxime Garoute, à Johan Dalgaard, à James Eller et à Frank Phan.
À Tioum et toute l’équipe derrière qui permet de faire durer et se réaliser l’infaisable.
Et puis à toi Damien, parce que même si ces mots ne vont jamais jusqu’à tes yeux, je ne suis pas prête de cesser de les écrire.