Suite (et fin) de l’interview de Reuno de Lofofora, toujours aussi disponible et bavard. Aujourd’hui, on parle de la pochette de Monstre Ordinaire, de la scène, de la relation du groupe avec son public et d’autres choses aussi…
La pochette de Monstre Ordinaire a été réalisée par Éric Canto, qui a déjà travaillé sur les pochettes de groupes comme Mass Hysteria, Lunatic Age ou Bukowski. Comment est venue l’idée de travailler avec lui ?
En fait, j’ai habité à Montpellier pendant sept ans, de 2000 à 2006-2007, un truc comme ça, et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré Éric. Il avait fait des photos pour un groupe de potes qui s’appelle Eyeless. Et, ensuite avec Mudweiser, il m’avait dit : « Quand vous voulez des photos de presse, appelle moi et je vous en fais » et il avait fait ça super bien. Depuis, c’est un mec qui a quand même pris son envol et qui fait des photos magnifiques. Faut dire que c’est son métier depuis vraiment pas longtemps, c’est sa passion depuis dix ans, peut-être moins, et c’est son métier depuis à peine cinq ans et c’est vraiment un mec doué. Comme on se connait, tu vois, comme tu as des potes que tu ne vois pas souvent mais tu t’envoies des conneries sur internet régulièrement, des trucs comme ça ; il fait partie de ces gens-là et avec qui on se voit de temps en temps, quand je descends répéter avec les Mud.
Il m’avait envoyé un mail, il y a presque deux ans de ça, où c’est limite un mail de menaces comme quoi ça allait mal se passer pour moi, si jamais on ne lui confiait pas la réalisation de la pochette du prochain Lofo (rire). Alors du coup, quand avec les copains, on s’est dit « Qu’est ce qu’on fait pour la pochette ? » et que Phil, qui a dessiné pas mal de pochettes de Lofo, ne savait pas trop, on s’est dit « Pourquoi ne pas faire appel à Éric ? ». Et du coup, il a été dans la confidence très tôt, on lui faisait passer nos maquettes, moi mes textes que j’étais en train d’écrire même quand ils n’étaient pas finis. Donc, par internet, il était quand même proche de nous et de chaque moment de la création de cet album. Et, très vite, j’ai eu envie d’un univers quasi cinématographique.
Ah, oui, ça ressort dans la pochette, ce qui ressort c’est vraiment cet univers cinématographique.
Voilà, j’avais vraiment envie de ça parce que, souvent, il y a des films qui m’inspirent ne serait-ce que par leur point de vue artistique, etc. Et donc, on s’est échangé plein d’images avec Éric, des images de photographes, des images extraites de films. Et au final, on ne s’attendait pas du tout à ça, mais finalement ça reflète très bien toutes les discussions qu’on avait eu. Nous, on s’attendait à un rasoir dans une salle de bain et on s’est retrouvé avec une pelle dans une espèce de no man’s land un peu désertique et c’était encore mieux que le rasoir dans la salle de bain. C’était parfait.
On dirait un monstre au milieu de nulle part, sortie de l’Amérique profonde.
Il y a de ça, en même temps, tu ne sais pas si c’est lui le monstre. Tu ne sais pas si c’est lui qui a subi la monstruosité. Je ne sais plus, ce qu’il y a derrière, oui, il n’y a que ça (en regardant le CD promo) mais il y a tout le travail du livret qui est vraiment chouette. Tu as une photo où tu as ce mec comme ça, tu as la pelle plantée devant ce tas de terre et tu vois le gars qui est à genou qui se prend la tête entre les mains. Tu te dis « Qu’est-ce qu’il enterre ? Est-ce qu’il s’est enterré lui-même ? (rire) Est-ce que l’Homme creuse sa propre tombe ? Qu’est-ce qu’on a à cacher ? Qui est ce monstre ? Qui subit ? » Voilà, j’aime bien ça laisse libre cours à l’imagination.
Je trouve que c’est vraiment très réussi, il a vraiment fait du super boulot. Mais il s’est mis la barre pour cette pochette, il a fait quinze autres projets qu’il m’a montré après. Il était désespéré, il a cru qu’il ne trouverait jamais et qu’un seul coup ça lui est venu après une cuite, comme quoi… (rire)
C’est vrai que les couleurs ressortent bien, elles donnent une atmosphère à la pochette.
C’est ça, il y a quelque chose de chaud et d’agressif, en même temps.
Oui, c’est un chaud violent, en fait.
Ouais, c’est ça, voilà, et je pense que l’album est un petit peu comme ça. Il y a quelque chose de chaleureux et en même temps quelque chose de…
…Lofofora, de brutal.
… De violent.
Vous repartez déjà sur la route, ça représente quoi pour vous la scène ?
Notre vie. C’est là que ça se passe un groupe de rock. Tu vois, pour faire un album, on va mettre quelques mois de composition et après deux semaines pour enregistrer. C’est vraiment une partie infime de notre boulot, entre guillemets, par rapport au temps que l’on passe sur la route. Et c’est là que ça se passe, c’est là que les morceaux vont prendre vie. On ne va plus les jouer pareil dans un an, ils auront évolué.
C’est notre univers la route, on a besoin de ça. Même quand on est en période de composition, on a rarement des périodes de plus de trois mois sans faire une date, ça nous manque, on est accros à l’adrénaline. Non mais, c’est vrai, il y a quelque chose de physiologique là-dedans. Tu es tellement en montée d’adrénaline. C’est la meilleur dope du monde. Il n’y a pas d’effet secondaire, c’est royal. Et on est complétement accros à ça, moi j’en suis sûr et certain.
Ça se voit quand vous êtes sur scène avec un grand sourire jusqu’aux oreilles.
Ben ouais ! Et quand tu vois tous les gens qui sont venus te voir qui ressortent avec la banane. Je sais maintenant que cela ne sert pas à rien ce que l’on fait. Pendant longtemps, je pensais que j’étais juste un clown électrique qui ne servait pas à grand-chose.
Déjà cette heure et demie – deux heures que tu donnes de bonheur, c’est énorme.
Ouais, ouais, on sait que l’on donne de l’espoir, et nous, ça nous en donne beaucoup aussi. Enfin, de voir tous ses gens, ça nous réconcilie un peu avec l’espèce humaine.
Il n’y a pas que des cons (rire)
Bah, ce n’est pas parce que tu vas écouter Lofo que tu n’es pas un con, en même temps. (rire)
Ouais (rire)… Mais tu es un peu moins con que les autres parfois.
Je ne sais pas, je ne sais pas. Mais ils sont rarement chiant les gens qui nous écoutent. C’est rarement des casses couilles, c’est, souvent, plutôt des gens à la cool.
Ça doit être comme le groupe…
Peut-être, je crois qu’on a le public qu’on mérite et nous on en a un beau. (rire)
Lofofora est très proche de ses fans que cela soit via le site web du groupe ou encore en concert. C’est important pour vous cette relation ?
Ça nous parait juste normal. En effet, ça nous parait normal de savoir pour qui on fait de la musique. Je ne sais pas, ce n’est pas parce que c’est moi, à un moment donné, qui suis trente centimètres à un mètre cinquante plus haut que les autres, avec une grosse voix parce que j’ai un micro à la main, éclairé avec des projecteurs, que j’en suis pas un être humain comme les gens qui viennent nous voir. Moi aussi, je vais voir des concerts, moi aussi je me fais baffer, je passe des bons moments, mais aussi des fois je suis déçu, tout ça. Et quand on joue, généralement, on traine dans la salle avant parce qu’on va voir le groupe de première partie et que c’est mieux de le voir d’en face que du côté de la scène.
Et, je ne sais pas, c’est un truc qu’on ne calcule pas, on aime ça. Il y a plein de rencontres super intéressantes parmi les gens qui nous écoutent. Comme je te disais tout à l’heure, il y a des conversations, qu’on a avec eux, qui se retrouvent après diluées ou distillées, en tout cas, dans les textes. Je pense que c’est logique. Enfin de toute façon, notre rythme de vie n’est pas celui d’une rock star, il est celui d’un employé moyen, d’un français moyen, donc forcément on est proche de ces gens-là. On n’arrive pas en limousine, escortés…
Tu n’arrives pas encore en hélico…
Non et je pense que ça n’arrivera jamais. Ce n’est pas pour ça qu’on l’a fait de toutes façons. Encore une fois, sans être hippies, on est vachement dans une notion de partage et, du coup ça en fait partie. Je ne sais pas, on a la chance de vivre notre passion et d’en survivre. Donc c’est un peu la moindre des choses de consacrer un peu de temps aux gens grâce à qui c’est possible. Moi, ça me parait logique.
Lofofora est un groupe engagé et sans faire de politique, vous avez des convictions et vous avez apporté votre soutien à des associations et à des causes, que représente cet engagement ?
Tu sais, on joue très peu pour des producteurs de spectacles, alors bien sûr, parfois pour des endroits subventionnés qui sont quand même, la plupart du temps, tenus par des passionnés de musique mais la plupart, on va jouer pour des associations. On est quand même très proches du milieu associatif, tous les festivals dans lesquels on va jouer, c’est plein de bénévoles, heureusement qu’ils sont là. On est connectés en permanence sur cette passion.
Maintenant les gens nous voient comme un groupe engagé, moi je préfère dire qu’on est un groupe réactif. Juste qu’on n’est pas insensible au monde qui nous entoure et c’est ça qui fait qu’on s’exprime de cette manière-là. Maintenant même au sein de Lofo, on n’a pas tous exactement le même avis sur tout.
Sinon cela serait ennuyeux, formaté, j’imagine…
C’est ça, on n’est pas pour la pensée unique y compris au sein du groupe. On ne dit pas aux gens « Pensez comme ci, pensez comme ça ». On a juste envie de leur dire « Pensez par vous-mêmes ». C’est plus ça la démarche, essayer de vous faire votre propre opinion sur les choses plutôt que de répéter bêtement des poncifs que…
Un peu l’inverse de ce que les gens et la télé essayent de faire actuellement…
C’est ça. Mine de rien, même si c’est minime et que je ne me fais pas de fausses idées là-dessus, on est quand même une petite forme de contre-pouvoir. Et le rock c’est une musique qui est faite pour ça, alors après…
Il y en a qui l’ont oublié et pas d’autres…
Ouais, ouais, après on nous présente des choses consensuelles qu’on nous présente comme étant du rock, moi je ne suis pas d’accord. Moi BB Brunes et Superbus, ce n’est pas du rock, ce n’est même pas…
C’est de la soupe…
Ouais, ce n’est même pas de la bonne soupe.
C’est de la sous-soupe…
Ouais, de la lyophilisée (rire), Lofo c’est une bonne soupe aux poireaux, du jardin ! (rire) Avec un peu de piment, aussi quand même.
Beaucoup de piment…
C’est l’antillais dans le groupe, c’est ça. (rire)
Merci
Merci à vous, coolos.
Photos © Eric Canto.
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