Elliott Smith nous a quittés trop tôt, laissant comme souvenir six brillants albums. Le 21 octobre 2003 mourait ce grand guitariste de deux coups de couteau dans la poitrine. Ce jour-là, le monde de la musique « indépendante » perdait un de ces plus grands artistes. Il est temps, en quelques lignes perdues, de lui rendre hommage. Comme on dit, les hommes partent, la musique reste.
- Speed Trials
- Alameda
- Ballad of Big Nothing
- Between the Bars
- Pictures of Me
- No Name No. 5
- Rose Parade
- Punch and Judy
- Angeles
- Cupid’s Trick
- 2:45 AM
- Say Yes
Either/Or, du nom d’un ouvrage du philosophe danois Soren Kierkegaard, est l’œuvre maîtresse d’Elliott Smith. Il joue sur cet album de tous les instruments, et des instruments il y en a ! Contrairement aux deux albums précédents, avec Either/Or, Elliott a voulu marquer un tournant dans sa musique en se plongeant dans une instrumentation plus complète puisque presque toutes les chansons sont désormais accompagnées de basse, batterie, guitare électrique et piano. Ahurissant non ?
N’en déplaise à certains, on retrouve sur ce disque les thématiques de l’univers d’Elliott Smith, c’est à dire la mort, l’amour, le malheur, l’alcool, le vide, les drogues, la solitude, la dépression. Rien d’innovant et de réjouissant me dira-t’on, mais d’une beauté surprenante et surtout bouleversante tant cet univers est accompagné par cette voix si fragile, et ces mélodies enivrantes. Either/Or nous ouvre la porte -enfin- de sa personnalité noire et torturée. Ici il n’y a ni colère ni rage, ni mépris ni violence mais juste la beauté du désespoir.
1. Speed Trials
Dès les premières secondes, on s’aperçoit qu’Elliott Smith n’a pas ensevelit ses influences grunge, la preuve est là, elles sont bien vivantes. On est conquis avec Speed Trials aux paroles un peu énigmatiques, et ce riff emprunté à Kurt Cobain sur lequel Elliott dépose cette voix douce hors du commun, fragile et riche en émotions.
2. Alameda
24 secondes ! Une magnifique intro de 24 secondes à la guitare nous démontre tous les talents de cet être à la voix fragile et doué d’un sens inné de la mélodie. Alameda passe du grunge à une pop psychédélique sur fond de texte triste qui ne peut nous éviter la larme. Rien de honteux, qui n’a jamais pleuré sur une chanson d’Elliott Smith ?
Whenever you want to »
Splendide chanson qui peut paraitre un peu naïf et d’une crédulité excessive. Mais cet air et cette voix qui peuvent évoquer les Beatles, mine de rien, nous marquent. Allez, tu peux faire ce que tu veux quand tu veux, il n’y personne pour t’arrêter.
4. Between The Bars
Between The Bars est la chanson la plus personnelle de cet album, où une bouteille de whisky adresse une déclaration d’amour à un écrivain.
Déchirante, émouvante, bouleversante, captivante, touchante… Touchante est bien le mot! « Drink up one more time and i’ll make you mine. keep you apart deep in my heart separate from the rest… » Simplement magnifique.
5. Pictures of Me
La beauté du désespoir continue avec Pictures of Me. « So sick and tired of all these pictures of me » … Alors malade et fatigué de toutes ces photos de moi … Elliott qui dresse son propre portrait ? On retrouve encore ici l’esprit et quelques arrangements beatlesiens, avec un côté sombre et flou, teinté de folk-punk du tatoué de Los Angeles.
6. No Name No. 5
No Name No. 5 nous replonge dans un grunge troublant, familier, à la Alice in Chains ou Soundgarden. A se demander si Heatmiser, son premier groupe Post-grunge, ne s’est jamais dissout. N’empêche la souffrance est toujours là.
And everybody’s gone at last, everybody’s gone at last »
7. Rose Parade
On revient ici à une ballade aux mélodies légères rappelant encore un certain groupe de Merseyside.
8. Punch and Judy
« I think i’m gonna make the same mistake twice« . On reste dans le flou, dans ces nébuleuses paroles. De quelles erreurs parle-t’il ?
9. Angeles
Elliott Smith enchaine avec la somptueuse Angeles. LA chanson de l’album. Celle même qui a connu son heure de gloire avec le film Good Will Hunting. Un fond de guitare acoustique, une sensationnelle et sublime intro de 40 secondes, puis la voix d’Elliott qui résonne : aussitôt on se sent emporté dans un tourbillon de bonheur, avec sa voix poignante qui rappelle soudainement le génie Nick Drake. Ici, c’est ni une ôde à un amour disparu, ou une déclaration à une Juliette qui se fait attendre, non loin de là, Angeles où le rejet d’Elliott Smith d’un quelconque showbusiness, et cette critique envers ces chasseurs de talent contre une poignée de dollars.
Says I seen your picture on a hundred dollar bill
And whats a game of chance to you, to him is one of real skill
So glad to meet you
Elliott est en effet en marge de tout cela, un Cantat ou Saez avant l’heure.
Notons pour la petite anecdote qu’Elliott ne s’est décidé à venir chanter à la cérémonie des Oscars que lorsque les organisateurs l’ont informé que s’il ne chantait pas sa chanson lui-même, un autre s’en chargerait.
10. Cupid’s Trick
Difficile d´enchaîner après Angeles, difficile de faire mieux. Elliott conclut cet album avec 3 petites ballades dont Cupid’s Trick.
11. 2:45 AM
La solitude, l’errance, les blessures et ces cicatrices… Tout ça à 2h45 du matin.
And i’m putting myself on warning
For waking up in an unknown place
With a recollection you’ve half erased
Looking for somebody’s arms to
Wave away past harms
I’m walking out on center circle
The both of you can just fade to black
I’m walking out on center circle
Been pushed away and i’ll never go back
Fascinante est cette capacité à mettre tous ses démons en musique, cette peine qu’on peine à effacer, ce cœur blessé et brisé.
12. Say Yes
Say Yes, magnifique ballade qui conclue le disque en toute beauté. Bizarre, une chanson à la fois joyeuse et optimiste. Mais au fur et à mesure que l’on avance, on se rend compte que même Say Yes qui en apparence est joyeuse cache bien un coté triste.
Who’s still around the morning after
We broke up a month ago and I grew up I didnt know
Id be around the morning after
Souvent représenté comme un artiste dépressif et torturé, Elliott Smith arrive malgré tout à redonner à Either/Or une teinte d’espoir.
Who’s still around the morning after
Avec Say Yes et la beauté de sa mélodie, Elliott que l’on connait à travers ses cicatrices, ses blessures inguérissables… arrive à venir à bout de cet univers sombre le temps d’une chanson. 2min15 après, la musique s’endort, et ne reste que cette voix hors du commun, remplie d’une telle détresse, mais si gracieuse qu’elle arrive sans peine à réconforter l’auditeur.
Either/Or est comme le début de la fin. Qu’est ce que souffrir, pauvres abrutis que nous sommes censés être ? Qu’est ce qu’être malheureux? Dites moi au moins si vous savez ce qu’est être mélancolique ou anéanti ? Justement avec cet album, nul besoin de définition ou d’analyse, on écoute et puis on apprécie.
A travers son univers torturé et déprimant, Elliott Smith a partagé avec l’auditeur toute sa peine, ses angoisses, ses blessures … et mine de rien cette voix du nouveau siècle nous est plus fructueuse qu’une thérapie .
De la douceur, de la douceur, de la douceur ! réclamait Verlaine. Elliott nous a offert cette douceur tout au long de sa carrière et ces albums agréables à écouter. Quand on écoute Either/Or, la douceur prend corps avec la peine. Puis elle capture l’oreille, captive notre cœur, et nous fend l’âme. Le pire c’est qu’on finit par aimer ça.
Elliott Smith me chavire toujours autant depuis ma rencontre avec Either/Or. Douleur et douceur mêlée.
Cet album pourrait bien changer votre vie comme il a pu changer la mienne. Elliott je dois bien l’avouer, je te dois la vie.
2 commentaires
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anniversaire d’Elliott Smith le 6 août 2012
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