Gaël Faye a sorti en 2013 son premier album solo, dont on ne peut que saluer la maturité et la délicatesse. L’ombre d’Oxmo Puccino plane dans le slam sensible et maîtrisé qu’il nous est donné d’entendre. Il avait percé dans la musique en 2009 avec le groupe Milk Coffee and Sugar avec Edgar Sekloka.
L’album s’ouvre sur le morceau A-France, dont le titre aux initiales AF évoque celles d’une célèbre compagnie aérienne. Comme les lignes blanches que forment les avions dans le ciel, tout dans cette chanson relie les différents univers de l’auteur. La voix, au flow presque rap, reste douce et enveloppante, la langue française y est mise en valeur dans ses allitérations et consonances. Les notes de guitare rappellent le folk de Salif Keita et les chœurs africains qui nous transportent dans le lointain. La mélancolie y côtoie l’espoir, et le texte sublimé par la mélodie, nous invite au voyage.
On reste dans l’approfondissement du sujet du voyage avec Je Pars. Chaque mot décrit avec une précision impressionnante les hésitations et les rêves du voyageur. A travers le prisme de son histoire personnelle, Gaël Faye fait partager ses envies de départ vers un nouveau monde, mais aussi de retour au pays. Les percussions et cuivres donnent un côté joyeux à son invitation à la fuite. On poursuit avec Ma Femme, qui se passe de commentaires. Une des plus belles déclarations d’amour que l’on puisse faire, sur un rythme hip-hop souligné par des cuivres profonds et puissants. Ce type a trouvé la femme parfaite.
Slowoperation nous emmène, sur quelques notes de piano bien jazzy, au coeur de Paris. Avec des mots bien choisis il décrit avec justesse les errances et grandes aspirations qui accompagnent le passage à l’âge adulte et la vie parisienne. Qwerty est une ode aux artistes de bureau, véritable hommage aux jeunes cadres dynamiques remplis de rêves de création artistique. Sur une instrumentation qui tend vers le funk, Gaël Faye nous emmène à Londres, au cœur des tours de la City, vu des yeux d’un idéaliste qui s’imagine déjà ailleurs.
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On enchaine avec Blend qui s’ouvre sur un refrain en anglais, suivi de près par un énorme flow, ultra rapide et cadré par le rythme du morceau. Très bonne performance au niveau du phrasé sur une musique dansante et joyeuse. Le texte est un melting-pot des thèmes qui habitent l’album : le voyage, la musique et l’identité. Dans la même veine, Charivari achève de secouer nos cellules auditives, et multiplie les rimes efficaces. Fils du Hip-Hop nous offre un quasi-reportage sur la naissance du hip-hop. Sur un flow hargneux, il décrit l’évolution du mouvement musical et la médiatisation du rap.
On s’apaise un peu avec le doux Isimbi, qui n’est autre que le nom de la fille de l’auteur. La musique est douce, les mots attendrissants de vérité, ce qui en fait l’un des plus beaux morceaux de l’album. Métis propose une lecture biographique du mélange des cultures. A travers des mots lucides, Gaël Faye nous offre un texte hommage à ce qui relie les humains entre eux. On arrive en Afrique avec Président qui dénonce l’inertie politique de certains pays dont les dirigeants sont les mêmes depuis de nombreuses années. Comme un écho aux derniers titres de l’actualité, le morceau chante également les réminiscences du génocide rwandais, qui a opposé deux ethnies en 1994 et fait des millions de morts. Gaël Faye nous embarque dans son histoire et sur sa terre natale avec Petit Pays. Les chœurs africains donnent des frissons lorsqu’on les écoute depuis un train de banlieue parisienne. Entre mélancolie et espoir, le texte offre de beaux moments de poésie.
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Bouge à Buja donne envie de danser et de partir découvrir dans l’instant la ville du chanteur. On rêve de sentir cette terre sous ses pieds, de goûter les plats, de rencontrer les gens. Gaël Faye poursuit son propos et ouvre l’album de photos de famille pour Pili Pili sur un Croissant au Beurre. Il y dessine un arbre généalogique émouvant. Un récit dans lequel deux personnes se rencontrent au grès des nuances de l’Histoire et de la Géographie.
Le carnet de voyage se ferme sur le magnifique poème L’Ennui des Après-midi Sans Fin. A travers des images d’enfance, il décrit le vide qu’on a tous vécu lors de dimanches interminables. Il y ajoute, par petites touches, une dose légère d’ailleurs et de mélancolie.
Poète de l’errance du voyage, du métissage mais aussi de l’espoir, Gaël Faye dessine un album exigeant, à la fois doux à l’écoute et intransigeant dans ses mots. Trait d’union aux allures d’itinéraires, le voyage est dépaysant et saisit sans fioritures une réalité parfois complexe. Il y a de temps en temps un goût de Daniel Pennac ou même de Jacques Prévert dans les tournures de phrases. Les textes sont emportés par des mélodies douces et bariolées, qui rendent grâce aux sujets abordés. Belle réussite!
Tracklist
- A-France
- Je Pars
- Ma Femme
- Slowoperation
- Qwerty
- Blend
- Charivari
- Fils Du Hip-Hop
- Isimbi
- Métis
- Président
- Petit Pays
- Bouge A Buja
- Pili Pili Sur Un Croissant Au Beurre
- L’Ennui Des Après-Midi Sans Fin
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Un commentaire
Rien ne leurre un amateur de beurre