Je suis passée un peu à côté du phénomène lorsqu’il a émergé. Il y a trois ans, Fishbach publiait sur Soundcloud une reprise de Night Bird de Bernard Lavilliers. On perçoit déjà le potentiel du truc. En novembre 2015, on retrouve le titre sur le premier EP. Fishbach avait déjà fait ses premiers pas sur scène et les quelques témoignages qui existent de cette période sont assez unanimes. J’avais été touchée par le titre Mortel, et on sentait que quelque chose était en train de s’installer. J’ai laissé la vague passer, l’album sortir début 2017, puis, lorsqu’un ami qui connait bien mes goûts musicaux m’a dit : « Tu devrais écouter l’album de Fishbach« , j’ai tendu l’oreille. Ça a été une vraie révélation.
Depuis, il passe en boucle. A l’écoute, les références arrivent très vite. On pense à Catherine Ringer, mais aussi à Julie Pietri, ou Jeanne Mas. On pense à ces titres un peu usés qu’on met en fin de soirée pour chanter ensemble, un verre à la main, en oubliant d’avoir honte. Mais Fishbach ce n’est pas seulement ça. C’est aussi des textes puissants, mélancoliques et parfois cyniques. C’est une écriture profonde et touchante.
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La messe s’ouvre avec Ma Voie Lactée. Les instrumentations semblent sortir tout droit d’un jeu vidéo vintage. La voix occupe l’espace auditif dans les graves. Y-crois-tu est la première claque. Le morceau s’imprime dans les neurones et emporte la cage thoracique. Les mélodies synthétiques sont hyper efficaces, le texte énigmatique et les vocaux puissants. La mort est omniprésente dans le propos, Éternité est là pour le souligner à celui qui ne l’aurait pas encore remarqué. Il y a quelque chose de nostalgique et désabusé dans les morceaux de Fishbach. On se calme un peu avec Un Beau Langage, hymne au silence et à la déception de la communication virtuelle. Les orchestrations reprennent cette ambiance de monde virtuel mélancolique. La deuxième claque arrive rapidement avec Un Autre Que Moi. Après la mort, c’est l’amour qui s’impose dans le chant. L’amour dans toute sa violence, et la difficile rencontre avec l’autre.
L’ambiance s’assombrit, et le désir devient dévorant dans Feu. On retrouve des « Ouh Ouh » qui renvoient presque instantanément à Ringer. La mort revient et Fishbach s’en fait la porte-parole sur On Me Dit Tu. La musique pousse à fond les références eighties, mais va plus loin et magnifie le style avec un mixage et une orientation électronique assez délicieuse. On plonge dans l’obscurité et le néant avec Invisible Désintégration de l’Univers, où l’on retrouve ces « Ouh Ouh » obsédants. Le morceau le plus exigeant et le plus barré arrive à la suite avec Le Château. L’ambiance est à la fois inquiétante et presque humoristique, l’univers est onirique. Il se pourrait que l’on soit coincé quelque part dans un des mondes du jeu Zelda. La suite de l’album est absolument géniale. On retrouve le très beau Mortel et ses vocaux lyriques. On poursuit avec l’un des morceaux que je préfère sur cet opus : Le Meilleur de la Fête. À écouter très tard (ou très tôt le matin) quand votre soirée se termine. Mon dernier morceau pour fêter la fin du monde. L’album se termine sur le très joli et languissant À ta Merci. La guitare est rugueuse, épurée et porte magnifiquement la voix cristalline de Flora au milieu d’une instrumentation dénudée. On est presque frustré quand ça s’arrête.
Il y a quelque chose de profondément fascinant dans ce qu’a produit Flora Fishbach (de son vrai nom). Elle fait le lien entre la scène française actuelle et celle des années quatre-vingts. Elle réunit deux générations et y ajoute une touche de noirceur très contemporaine. La couleur rétro est assumée, ça ne plaira pas à tout le monde. Aux sceptiques, sachez que sur scène ça vaut vraiment le détour, et n’oubliez pas que c’est là qu’elle s’est faite connaître. Elle sera en concert à La Cigale le 14 mars, le 4 mai, et un peu partout en France entre ces deux dates.
Tracklist
- Ma voie lactée
- Y crois-tu
- Éternité
- Un beau langage
- Un autre que moi
- Feu
- On me dit tu
- Invisible désintégration de l’univers
- Le château
- Mortel
- Le meilleur de la fête
- À ta merci
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